L’usage du Mo

Preface

La quantité grandissante de livres concernant la culture et la religion tibétaines a influencé et élargi l’horizon occidental. Certaines de ces publications ont évoqué notre culture et notre vie de façon honnête, les plaçant dans leur contexte approprié. Mais la plupart n’ont noté du Tibet qu’un aspect isolé de l’ensemble. Ceci pourrait laisser au lecteur une vision du Tibet assez décousue.

Le présent ouvrage devrait être considéré à la lumière du panorama entier de la culture tibétaine. Le Mo ne doit pas être vu comme une pratique religieuse inauthentique, sans connexion avec les profonds enseignements du Bouddha soutenant la vie des Tibétains.

Il est dit dans le Bouddhisme, et particulièrement dans la tradition Mahayana, que le bien suprême est d’être bénéfique aux autres. Ceci est illustré par le bodhisattva, cet être qui s’efforce d’obtenir le stade du pur et parfait éveil pour le bien de tous les êtres.

De nombreuses écritures nous disent qu’un bodhisattva ne devrait pas hésiter à utiliser n’importe quelle méthode susceptible d’apporter l’ultime bonheur à autrui. Il est encouragé à assister les autres par le don d’enseignements spirituels, d’objets matériels comme des médicaments et de la nourriture, en apportant sa protection, en manifestant de la bonté et en donnant des conseils utiles pour la vie active de tous les jours.

Puisque les Bouddhas ont la connaissance des causes et des effets de toute situation, ainsi que la compréhension de leur réalité ultime, l’usage du Mo est bénéfique s’il est nourri par une concentration sans défaut sur les Bouddhas et une foi inébranlable en eux. Le Mo est une des manières dont les êtres ordinaires peuvent s’inspirer des Bouddhas pour surmonter les difficultés de leur vie quotidienne.

Celui-ci a deux fonctions principales :

– D’une part c’est un système nous permettant de nous aider nous-même à voir clairement une situation ou un événement.

– D’autre part, c’est une façon de stimuler notre pratique de la Voie des Bodhisattvas, pourvu que nous l’utilisions pour autrui avec la motivation appropriée du don désintéressé, comme cela a été fait au Tibet par de nombreux grands maîtres.

Le Mo a de plus une fonction seconde.

L’enseignement central et le plus profond du Bouddha est Pratitya Samutyada, l’origine interdépendante ou l’existence co-dépendante. Il explique simultanément l’essence du jeu interactif des causes et conditions au plan relatif ou terrestre de la réalité et l’essence de la vacuité ou du sans-soi, au niveau ultime de la réalité.

Bien que des efforts soutenus soient nécessaires pour atteindre une réalisation de l’origine interdépendante par la concentration et l’observation, un système tel que le Mo permet d’entrevoir l’interdépendance et le jeu causal du monde où nous vivons, et peut nous inciter à le sonder en un niveau plus profond.

De nombreuses méthodologies de Mo ont été utilisées au Tibet. Le présent système, compilé par le grand maître Jamgon Mipham à partir des Tantras sacrés exposés par le Bouddha, dérive son autorité du pouvoir spirituel et de la sagesse de Manjushri, le Bodhisattva qui personnifie la sagesse transcendante de tous les Bouddhas.

C’est son mantra sacré (OM AH RA PA TSA NA DHI), quintessence de sa parole, et la sainteté de sa sagesse omniprésente, qui nous habilitent à obtenir une réponse juste, reflétant le jeu interactif des conditions relatives à la situation et son issue.

Dans le Manjushri Nama Samgiti (Le chant des noms de Manjushri), le Bouddha en personne loua les qualités de Manjushri et déclara que son mantra est l’expression de la sagesse de tous les êtres éveillés.

Vous ne devriez donc avoir aucun doute, en vous en remettant aux bénédictions pleines de compassion de Manjushri et au pouvoir de son mantra, que la sagesse de tous les êtres éveillés se manifeste dans le tirage (jet du dé).

Les deux traducteurs, Lobsang Dagpa et Jay Goldberg, ont exploré le Dharma à de nombreux niveaux et leur compréhension des écritures est manifeste dans le beau travail qu’ils ont produit ici.

Cette traduction, ainsi que les beaux dessins peints illustrant le texte, ajoutent au monde de langues occidentales un élément à la littérature grandissante et représentative concernant notre pays, le Tibet.

Sa Sainteté Sakya Trizin.

Introduction

1. LE MO.

L’usage du Mo, ou méthode de prédiction, fut très répandu au Tibet au cours des siècles, et c’était une pratique courante des tibétains que de consulter des techniques d’anticipation, quand se présentaient des questions concernant divers événements marquant leur vie : cauchemar, début de maladie, projet d’un travail quelconque ou de voyage, et même désir de s’engager dans des exercices ou pratiques spirituelles.

Des méthodes nombreuses et variées ont été utilisées afin d’obtenir des signes indiquant l’avenir.

L’usage des dés pour le Mo vient de temps anciens, mais ne représente que l’un de ces moyens.

Les techniques prédictives variées sont reliées à certaines divinités de la tradition tantrique, le plus souvent des Protecteurs du Dharma.

Dans le cas présent, il s’agit du grand Bodhisattva de sagesse, Manjushri, dont les bénédictions et les conseils sont recherchés afin de déterminer une réponse à nos problèmes ou notre demande.

Etant reconnu comme la personnification de la sagesse de tous les Bouddhas du passé, présent et futur, les gens étaient sûrs, durant tous ces siècles, qu’il les guiderait à travers les vicissitudes de l’existence terrestre grâce à sa sagesse transcendante, les amenant à accepter ce qui est le plus bénéfique et à abandonner tout ce qui est nuisible.

Plus encore, ils pensaient que son assistance les mènerait finalement à la paix ultime et à l’éveil.

2. L’AUTEUR.

Ce manuel divinatoire du mantra AH RA PA TSA NA DHI fut composé par Jamgon Mipham (Jamyang Namgyal Gyatso, 1846 – 1912), grand saint et érudit de la tradition Nyingma, qui se basa principalement sur le Kalachakra Tantra, avec des explications supplémentaires tirées de ” L’océan des dakinis ” et d’autres textes.

Jamgan Mipham est considéré comme l’un des grands phares du Tibet du siècle précèdent, surtout en raison de son érudition et de sa pratique continue des enseignements du Bouddha

Né dans la province Est, ses maîtres principaux furent Jamyang Khyentse Wangpa et Patrul Rimpoché. Il étudia avec eux et d’autres maîtres les doctrines des quatre écoles du bouddhisme tibétain, ainsi que les sujets majeurs et mineurs du système éducatif (poésie, astrologie, médecine, grammaire, logique et philosophie). Ses explications des Sûtras et Tantras étaient célèbres pour leur lucidité, et parmi les trente-deux volumes de ses écrits l’on trouve des traités d’architecture de temples et de maisons, d’astrologie, de méthode de divination (incluant un volume entier sur une méthode Bonpo utilisant la confection de certains nœuds), de poésie et un vaste éventail d’autres sujets. En bref, c’était un savant confirmé autant qu’un grand pratiquant du Dharma.

3. LA METHODE TRADITIONNELLE POUR UTILISER LE MANUEL.

a) Méditations préliminaires.

Il est recommandé avant de faire une prédiction, de procéder à quelques méditations préliminaires.

Pour commencer, imaginez Manjushri, le grand Bodhisattva de sagesse, face à vous dans l’espace, son corps étant jaune orangé, avec un visage et deux mains, la droite dressant une épée de sagesse enflammée tandis que la seconde tient, près de son cœur, la tige d’un lotus bleu. La fleur s’épanouit prés de son oreille gauche et supporte une copie du ” Livre de la perfection de sagesse ” (Prajnaparamita Sûtra). Ses deux jambes sont croisées dans la posture du vajra et il a l’aspect d’un jeune homme de seize ans. Pensant qu’il bénit le dé (ou les cartes) qui servent à la consultation, récitez ce qui suit :

” Om, splendide Manjushri possédant l’œil de la sagesse transcendante qui voit sans obstruction les trois temps, écoutez-moi je vous prie. Par le pouvoir de vérité interdépendant et sans faute des Trois Joyaux et des Trois Racines, je vous prie de rendre clair ce qui doit être accepté et rejeté. “

Dans cette prière, les trois temps se référent au passé, au présent et au futur, les Trois Joyaux au Bouddha, à son enseignement, le Dharma, et à ses disciples, le sangha ; les Trois Racines sont le Gourou, la divinité personnelle de méditation ou Yidam et les énergies féminines ou Dakinis.

Récitez ensuite le mantra de Manjushri, trois ou sept fois (ou un mala entier soit 108 fois si vous le désirez) :

OM AH RA PA TSA NA DHI.

Les 5 syllabes du milieu ” AH RA PA TSA NA ” représentent les 5 familles de Bouddhas, la syllabe finale DHI représentant la sagesse de tous les Bouddhas.

Vous pouvez aussi réciter le mantra de l’existence interdépendante une, trois ou sept fois :

OM YEDHARMA HETU PRABHAWA HETUNTE

KHEN TATHAGATO HAYA WATET TE KHEN

TSAYO NIRODHA EWAM WADI MAHA

SHRAMANA SOHA.

Ce mantra signifie en gros : ” Le Tathagata (le Bouddha) a expliqué l’origine des choses qui proviennent de causes ; il a aussi expliqué leur cessation ; c’est la doctrine d’un grand sage. “

b) Le jet du dé (ou le tirage de la carte).

Prendre deux dés ; les syllabes peuvent être simplement identifiées par le chiffre 1 à 6 inscrit sur le dé. (Vous pouvez aussi dessiner la syllabe sur la face du dé correspondant à son numéro.)

Puis soufflez sur le dé (ou sur les cartes) afin de les charger du pouvoir des mantras. Enfin jetez le dé à deux reprises (ou tirez une carte), tout en gardant à l’esprit votre question et le nom de la personne pour qui vous la posez si ça n’est pas vous, et examinez la réponse.

c) L’interprétation.

Si par exemple, le premier jet sort la lettre RA (ou le chiffre 2) et le second la lettre DHI (ou le chiffre 6), vous devez chercher la réponse RA DHI (26).

4. LES REPONSES.

a) La numérotation des 36 réponses.

Le dé comporte les nombres 1 à 6 correspondant aux six syllabes ; jeter deux fois le dé représente donc 36 combinaisons de deux chiffres avec les nombres 1 à 6 en premier et en deuxième chiffre. Ce sont ces 36 nombres, correspondant aux 36 combinaisons de deux syllabes, qui servent de numérotation. On aura donc successivement, avec les correspondances indiquées dans la table des matières.

b) Les variables analysées.

Chaque réponse de ce système de prédiction est divisée en plusieurs parties. On trouve successivement les paragraphes suivants : Le titre composé du nombre à deux chiffres, des deux syllabes tibétaines transcrites et du nom donné à la combinaison.

Le Symbole explicite le sens de la combinaison par l’usage de métaphores.

Le Sens global caractérise la réponse, souvent à l’aide d’une citation.

Les Assises de votre vie, ce qui comprend tout ce qui concerne votre vitalité, votre famille et vos possessions.

Les Buts, ce sont les intentions et aspirations dans les affaires et les autres domaines de la vie.

Les Amis et les Ressources concernent les personnes avec qui vous vous associez, ainsi que les affaires et les finances.

Les Ennemis que vous pourriez avoir.

Visiteurs, sujet de préoccupation important au Tibet où un invité pouvait mettre plusieurs mois avant d’arriver, ce qui entraînait des inquiétudes pour lui.

La Santé concerne les maladies existantes ou potentielles.

Les Forces négatives décrivent la possibilité de problèmes causés par des forces négatives, des esprits maléfiques ou un environnement défavorable.

Les Pratiques spirituelles concernent les obstacles et les aspects des pratiques conseillées.

L’objet perdu indique si un objet peut être retrouvé et où.

L’Accomplissement du projet par la rencontre avec autrui et par la possibilité d’accomplir un travail.

Les Autres domaines couvrent toute autre question qui ne tombe pas dans les catégories précédentes.

Le Présage.

c) Les conseils donnés par la réponse.

Des conseils sont émis dans différents paragraphes quant à la façon de surmonter une difficulté particulière. Une pratique spirituelle spécifique, un rituel ou l’invocation d’une certaine divinité sont généralement proposés. Les gens simples du Tibet n’ayant pas la capacité d’engager ces rituels et méditations eux-mêmes, il était (et reste) courant de s’adresser à un monastère local, ou à ceux qui ont les connaissances nécessaires, afin de leur faire accomplir ces recommandations. L’auteur a pour cela laissé les noms de divinités, textes et rituels, bien que vous puissiez ne pas les connaître, pensant que vous aurez peut-être l’opportunité de trouver quelqu’un ayant cette connaissance. Une fois ces conseils compris, ils peuvent être utilisés par le questionneur, afin d’aider à surmonter le problème ou d’accomplir ses souhaits et ses buts.

d) Signification de chaque syllabe.

– AH, RA, TSA et DHI se rapportent à l’éveil de la sagesse, à la violence et à la lune décroissante.

PA et NA correspondent au contraire à la concentration, à la douceur et à la lune croissante.

– Si la syllabe AH apparaît la première dans la combinaison, la réponse est seulement médiocre. Si elle apparaît en second, il n’y aura pas d’obstacle par rapport à la recherche. La syllabe AH est toujours bonne pour la guérison d’une maladie.

RA se rapporte aux désirs mentaux.

PA concerne la joie et la propriété.

TSA correspond au messages.

NA est relié au lieu ou au pays.

Si la syllabe DHI apparaît en premier dans la combinaison, le présage est positif (équanimité, continuité sans obstacle, mariage ou engagements favorables, résolutions vraisemblablement satisfaisantes de la question, croissance… selon la seconde syllabe). Si la syllabe DHI apparaît en second dans la combinaison, ce n’est pas mauvais et la propitiation des divinités permettra la réussite.

Les genres :

AH Neutre ou hermaphrodite.

RA Féminin.

PA Masculin.

TSA Masculin.

NA Féminin.

DHI Neutre ou hermaphrodite.

Les éléments :

AH Espace vide.

RA Feu.

PA Eau.

TSA Air.

NA Terre.

DHI Sagesse transcendantale.

Les familles de Bouddha :

AH Famille du Tathagata de Vairocana.

RA Famille du Lotus d’Amithaba.

PA Famille du Joyau de Ratnasambhava.

TSA Famille du Karma d’Amoghasiddhi.

NA Famille de Vajra d’Akshobya.

DHI Famille Heruka de Vajradhara.

Les différents mondes :

AH Ciel.

RA Espace entre la terre et le ciel.

PA Terre.

TSA Espace entre la terre et le ciel.

NA Terre.

DHI Ciel.

Les directions :

AH Centre.

RA Ouest.

PA Sud.

TSA Nord.

NA Est.

DHI Centre.

Les couleurs :

AH Neutre, sans couleur spécifique propre.

RA Rouge.

PA Blanc.

TSA vert.

NA Jaune.

DHI Multicolore.

Les formes :

AH Pas de forme spécifique propre.

RA Triangle.

PA Cercle.

TSA Demi-cercle.

NA Carré.

DHI Formes variées.

Sur le plan corporel :

AH +++

RA représente la voix et la parole.

PA représente les veines dans le corps.

TSA concerne les airs (lung) du corps, incluant la respiration et les maladies liées à l’air du corps subtil.

NA représente le corps.

DHI +++

Les organes sensoriels et les objets des sens :

AH Oreilles et sons.

RA Yeux et formes.

PA Langue et goût.

TSA Corps et objet tactiles.

NA Nez et odeurs.

DHI Conscience et pensées.

Les parties internes du corps :

AH Les airs subtils (lungs) et le gros intestin.

RA Le cœur et le petit intestin.

PA Les reins, la vessie et les organes de reproduction.

TSA Le foie.

NA La vésicule biliaire et l’estomac.

DHI La semence.

Les types d’activités :

AH Paix, purification.

RA Pouvoir, asservissement.

PA Croissance, prospérité.

TSA Violence, destruction.

NA Excellence.

DHI Toutes activités.

e) Les niveaux d’interprétation du Mo.

Le Mo permet plusieurs niveaux d’interprétation.

Il y a une signification extérieure ou exotérique et une signification intérieure ou ésotérique. Lorsque deux syllabes identiques apparaissent ensemble dans un tirage (par exemple AH AH, ou RA RA…) les significations externes et internes sont identiques.

Dans les questions portant sur les relations avec les autres, on peut faire deux tirages (les deux dés ou une carte) l’un après l’autre. Le premier tirage nous concerne nous-même, alors que le second concerne l’autre personne. Même en ne faisant qu’un tirage, on retrouve la même distinction, la première syllabe nous représente nous-même et la seconde syllabe représente l’autre personne.

Pour vérifier si une réponse est femme ou faible, il est recommandé de jeter le dé deux autres fois. Si les même syllabes reviennent, la réponse est très ferme. Si elles sont inversées, la réponse est faible. La réponse est bonne telle quelle, si les deux syllabes subséquentes sont différentes.

Vous pouvez aussi prendre la réponse selon différentes perspectives temporelles.

Que la prédiction soit favorable ou non favorable pour le présent, il est bon de la faire suivre par un autre jet de dés pour le futur. Vous pouvez ainsi obtenir différentes prédictions en fonction du temps. Si la question posée est grave, concernant par exemple une maladie sérieuse, il est bon de faire plusieurs prédictions à son sujet. Une seule suffit si son objet n’est pas très important.

La problématique du Mo et les Tantras

par Gelong Thubten Dadak

” Tous les phénomènes sont issus de l’esprit,

L’esprit en est le chef,

Ils sont formés par l’esprit. “

Dhammapada, (V 1, I)

Une personne qui souhaite consulter l’oracle commence par certaines pratiques préliminaires. En prenant refuge, en adressant des requêtes et des invocations, en formulant des mantras, le consultant tente d’harmoniser ses trois portes et accède alors à un état de réceptivité mettant en phase les profondeurs de son être (la sagesse exaltée du Bouddha omniscient prenant ici l’aspect de Manjushri) et le monde, riche de son étendue et de ses potentialités.

Une fois le dé jeté, ou la carte tirée, et l’observation résultante identifiée dans le texte, il faut encore intégrer le sens correspondant à travers une lecture personnelle, orientée par le cadre objectif de la question posée et des associations en partie inconscientes.

Dès lors, les situations peuvent être évaluées, des mesures prises, des attitudes et des actions encouragées ou abandonnées. Le cours des événements en sera modifié.

Mais que s’est-il passé en réalité ? Comment une donnée que d’aucuns considèrent comme purement aléatoire, quantifiable au mieux par une loi de probabilité, est-elle signifiante et utilisable par l’attribution d’un sens ordonnateur et informateur, au point de s’y appuyer pour établir des décisions, des projets et des intentions ? Comment ces informations reculées dans le continuum de l’espace-temps nous sont-elles parvenues ? Comment risquer d’orienter notre attitude consciente et notre vie, ainsi que celle d’autrui, en conséquence d’un acte rituel aussi hermétique et mystérieux, sinon magique ?

Les pratiques divinatoires amènent une foule de questions touchant de près ou de loin à de nombreux problèmes philosophiques, scientifiques et religieux dont il serait prétentieux de prétendre connaître la seule explication valable.

Ce sont les questions de la nature et de la relation du couple esprit/matière, la causalité, le déterminisme et leurs contraires, la relativité de l’espace-temps et de tout concept, en fin de compte, la présence et l’immanence du divin, en bref tout ce champ d’investigation qu’on appellera, après Jung, la synchronicité.

1. LES THEORIES DE L’UNIVERS SELON LES SCIENCES OCCIDENTALES MODERNES.

A. Mise en question de l’a priori matérialiste.

Dans son sens général, la synchronicité correspond à un phénomène de coïncidence significative.

En dépit de l’immense richesse explicative et théorique des enseignements du Bouddha, comme en témoigne l’imposant corpus des discours et des traités du Canon bouddhique (le Tripitaka), celui-ci a qualifié certains domaines d’inconcevables, pour les êtres limités que nous sommes, tels que la capacité des Bouddhas, le pouvoir des absorptions méditatives, la maturation du karma et l’idée de l’univers.

Le but de ces quelques pages n’est pas de proposer des solutions définitives, mais plutôt de suggérer comment notre entendement du monde est conditionné par des préconceptions ou un savoir tacite hérités d’un milieu social et culturel à nette prédominance matérialiste, et comment la reconsidération de ces préjugés pourrait ouvrir un espace intellectuel et intuitif permettant de mieux apprécier la synchronicité. Nous oublions trop, en effet, combien la perspective positiviste issue d’une certaine pratique de la science moderne repose en fait sur des axiomes, des postulats et des hypothèses qui reflètent certains choix méthodologiques dictés par des impératifs sociaux culturels contestables, et non pas tant sur des preuves. Certes, des phénomènes sont observés et mesurés, des théories avancées et nombre de recherches aboutissent de façon éclatante, un peu trop parfois, en réalisations brillantes, utiles et efficaces. Mais il faut se garder de confondre la technologie et le pouvoir explicatif des sciences. La nature garde tous ses mystères comme s’en rendent compte les chercheurs.

Par exemple, bien que la physique quantique permette de manipuler la matière jusqu’à un certain point, les théories interprétatives en sont multiples, incomplètes et contradictoires. Il est encore impossible pour l’instant de l’harmoniser à la théorie de la relativité générale. Cela reflète dans une certaine mesure la situation du consultant de l’oracle. Même si on ne peut en expliquer de façon définitivement et universellement satisfaisante le pourquoi et le comment, l’opération est probante : ” ça marche “. Ainsi, toute personne familière avec le Yi King sait qu’une réponse très précise est donnée à sa question, qu’il y a synchronicité, et cela indépendamment de ses croyances ou modèles de représentation.

B. Le paradigme holiste en physique et sciences cognitives.

Ce qui va nous intéresser tout d’abord est l’interaction entre l’observateur et l’observé. Déjà la physique quantique nous a habitués à considérer la réalité sans exclure l’observateur et ses moyens d’observation. Ceci est tout à fait naturel dans les systèmes philosophiques des traditions indiennes, bouddhistes, hindoues et autres, où l’épistémologie, au sens de science cognitive, est partie intégrante de la présentation de l’univers. Déterminer si une chose existe ou non ne saurait se faire sans expliciter les critères de jugements ni décrire le processus et l’appareil perceptuel. Sujet et objet sont entièrement interdépendants, si bien que la notion profondément ancrée, tout spécialement dans notre culture occidentale moderne, d’un monde purement objectif n’a aucun sens.

Bien que cela fut mis en évidence expérimentalement et sous-tend l’apport théorique de la physique quantique depuis ses débuts avec N. Bohr, Heisenberg, etc…, il y a toujours une forte résistance à cette constatation. Cinquante ans plus tard, cette notion n’est toujours pas descendue dans la rue.

Un autre aspect de la question est l’interrelation entre tous les éléments qui forment l’univers. Les explications peuvent à nouveau diverger, mais des notions comme l’ordre implicite de D. Bohm reposent sur l’observation et montrent qu’on ne peut considérer la moindre partie d’un système indépendamment de l’ensemble. Il y a une corrélation profonde, tantôt ” visible “, tantôt cachée, mais néanmoins décelable, entre les parties et le tout, ainsi qu’entre les parties elles-mêmes.

Lorsqu’on modifie, par exemple, l’état d’une particule élémentaire qui était en interaction évidente avec une autre particule, on observe une modification immédiate sur la seconde et cela, quelle que soit la distance qui les sépare, fut-elle de plusieurs années-lumière. Il est clair que ces deux particules ne sont pas deux choses séparées au sens strict, mais forment en fait un système descriptible par une même équation. Autrement dit, deux observables peuvent sembler indépendants parce qu’ils sont conceptuellement isolables dans l’espace-temps, tout en étant en réalité en interconnexion totale. Ceci est moins étrange qu’il n’y parait lorsqu’on sait qu’une telle particule n’est pas réductible à un petit point de matière isolé, mais relève tout autant d’une nature ondulatoire dont on rendra compte par des équations probabilistes.

Nous sommes dès lors dans un domaine qui remet en question les notions, apparemment enracinées dans le réel, de l’espace et du temps. Cela nous amène à prendre conscience que les multiples interprétations et systèmes rendant compte des observations ne sont que des modèles. La réalité est autre que les modèles : la carte n’est pas le territoire, bien qu’elle en rende compte d’une certaine façon et permette de s’orienter.

La relation entre nos représentations de la nature et sa réalité propre est une des grandes questions de la philosophie éternelle. Avec l’avènement des sciences cognitives qui abordent plus directement la recherche théorique et expérimentale sur la nature de la connaissance et de la conscience par le biais de multiples approches, des certitudes continuent de vaciller et de s’écrouler tandis que d’autres se forment.

Les modèles de l’intelligence basée sur l’intelligence artificielle, le cognitisme, le ” connexionisme ” et les théories sur les propriétés émergentes, restent néanmoins prisonniers de l’acceptation tacite, implicite et dominante d’un monde objectif reflété par la conscience, tout comme une fleur est réfléchie dans un miroir.

Mais devant l’insuffisance explicative et les limites de ces modèles, une nouvelle tendance apparaît, tant en neurosciences qu’en psychologie cognitive, linguistique et épistémologie, qui place la notion d’interdépendance au cœur de son approche.

2. LES THEORIES BOUDDHISTES DE LA CONNAISSANCE.

Selon Sa Sainteté le Dalaï-Lama, c’est dans cette notion d’interdépendance que repose l’essence de l’enseignement du Bouddha. Diverses écoles, au cours de l’histoire et de l’expansion du bouddhisme, en ont tiré des conséquences variées sinon divergentes, créant une gamme d’interprétations jouant entre une définition faible et une autre forte de la relativité. On y retrouve les mêmes tentatives que dans la pensée occidentale, entre un réalisme empirique, sans toutefois devenir un positivisme pur et dur, et un idéalisme absolu, en passant par des formes de pensées proches de la phénoménologie, du nominalisme, du mysticisme néoplatonicien, etc…

Pour ce qui est de la relation sujet/objet, toutes les écoles bouddhistes admettent qu’un phénomène est dit exister, seulement s’il est observé par une perception avérée, ou valide, pouvant être soit de nature conceptuelle, soit de nature non-conceptuelle.

Autrement dit, tout ce qui apparaît à l’esprit n’existe pas nécessairement, puisque celui-ci peut être victime d’illusions, d’hallucinations, etc…, et d’autre part une donnée a priori, inaccessible à la perception sensorielle ou mentale n’a pas de sens. Néanmoins, l’absence de perception d’une chose dans un contexte particulier n’implique pas la non-existence de cette chose. Une pure transcendance ontologique n’a donc pas sa place dans l’enseignement du Bouddha, ce qui est exprimé par la critique de l’Atman, en tant que principe séparé par nature et existence en soi, tant des êtres que des phénomènes.

Ceci représentait une perspective entièrement nouvelle en Inde, et fut toujours plus ou moins combattu par la suite, quoique certains maîtres du Védanta Advaïta, utilisant une voie négative, furent qualifiés de ” crypto-bouddhistes “.

A. Les rapports entre la conscience et la matière.

La difficulté de cette présentation est d’éviter que l’auditeur ne tombe dans l’un des deux extrêmes : le nihilisme, où rien n’existe en fin de compte, et ” l’éternalisme ” ou substantialisme, le monde des essences et des noumènes. Et en vérité, ceux-ci comprirent l’enseignement différemment selon leurs capacités et leurs expériences, en tirant des conclusions variées.

1° Le Théravada.

Les écoles du Véhicule Individuel (Hinayana) n’acceptent pas une vacuité des phénomènes, autre que celle des personnes. Conséquemment, leur position quant au statut ontologique de la matière et de l’esprit est de type plutôt réaliste. Sans entrer dans le détail, on peut dire que l’école Vaibhashika présente un réalisme direct, non représentatif, dans le sens où la forme est perçue directement par l’organe sensoriel, sans être relayée par un aspect (ahara) généré dans la conscience. Les objets physiques sont établis substantiellement, mais n’existent qu’en vérité relative ou conventionnelle. Seul leur substrat de particules élémentaires indivisibles, ainsi que les moments de conscience dont la succession crée un continuum perceptuel, existent substantiellement et en vérité ultime.

Cette position est controversée en question par l’autre école, le Sautantrika, qui opère une distinction plus subtile entre les phénomènes désignés et substantiels, mais accepte que tout existe véritablement. Pour expliciter l’interaction de l’esprit et la matière, ils expliquent qu’une perception est produite en dépendance de trois causes, par exemple pour la perception du bleu :

1) la condition objectable : la couleur bleue.

2) la condition dominante : la faculté ou l’organe sensoriel, l’œil (plus exactement une énergie subtile, le prâna, résidant dans le globe oculaire, identifiable à l’influx nerveux).

3) la condition antécédente : le moment de conscience immédiatement précédent du flux ou continuum perceptuel. Ces trois conditions produisent le contact, et la perception du bleu en résulte.

Juste après le premier moment de conscience visuelle du bleu, une perception mentale du bleu prend le relais, pour être finalement traitée conceptuellement et identifiée par l’application de la désignation ” bleu ” permettant de connaître le bleu en tant que ” bleu “

Au premier stade, on dit que l’objet projette son aspect dans la conscience qui devient ” aspectée “. On pourrait établir un parallèle avec un modèle holographique de la perception.

Le bleu a en tout cas une existence objective, extérieure et substantielle, et on voit comment l’interdépendance du processus cognitif n’évacue pas un certain réalisme. Le monde physique est considéré comme reflété dans la conscience. C’est un modèle représentatif.

L’Abhidharma de ces écoles présente les particules élémentaires et les moments très courts de cognition, comme les matériaux fondamentaux constitutifs du réel. Le monde tel que nous le connaissons émerge de cette trame, mais dans notre vision déformée par l’ignorance, nous lui attribuons une permanence et une substantialité qu’il n’a pas. Ces ” briques ” du réel donnent l’illusion d’un déroulement continu, tout comme un film fait d’images discrètes crée l’illusion, une fois projeté sur l’écran.

Les théories récentes connexionistes présentent une approche qui n’est pas sans similarité, puisque le processus cognitif y est décrit comme l’émergence d’états globaux dans un réseau de composants simple. De plus, elles sont fondées sur un modèle représentatif, c’est-à-dire sur la notion d’un monde extérieur préexistant. Pour soutenir cette vision, elles doivent procéder à des simplifications réductrices des propriétés étudiées. Ceci rend certes, la théorisation possible, mais opère une abstraction telle, par l’évacuation de multiples paramètres, qu’on ne saurait dire qu’il est rendu compte ” de la réalité “.

2° Le Mahayana.

Cette présentation des Abhidharma des écoles du Véhicule Individuel fut critiquée par les systèmes du Véhicule Universel (Mahayana) qui insistent sur l’absence d’existence en soi de tout phénomène (dharma nairâtmaya), et non seulement des personnes.

Ainsi l’explication idéaliste du Cittamatra s’attaque, entre autres à la notion de particule élémentaire indivisible et substantielle et la rend caduque par diverses analyses.

L’une de celles-ci est le fait que toute particule possède en réalité des parties constituantes, sans quoi un conglomérat (seul visible à l’oeil nu) en serait impossible car il n’occuperait qu’un même point sans dimension. Ces particules fondamentales étant introuvables, la matière n’a pas d’existence substantielle, mais n’existe qu’en tant qu’image mentale ou désignation. La forme et la conscience de la forme sont une même entité et surviennent simultanément dans leur aspect duel à travers la production conditionnée, dont la cause est un potentiel résidant sur la conscience subliminale dite réceptacle ou base de tout (alayavijnana).

L’expérience de la réalité libérée de l’hallucination dualiste est ” esprit seul ” (cittamatra) ou ” idéation seulement ” (vijnaptimatra). L’illustration favorite de ce système est l’état de rêve, ainsi qu’il est dit dans le Sûtra des dix Terres : ” Ces trois royaumes ne sont qu’esprit. ” Cette école évite l’écueil solipsiste en présentant la notion d’intersubjectivité. Parce que des êtres ont des potentiels karmiques similaires dans leur continuum mental, ils partagent des apparences semblables faussement imaginées comme un monde extérieur servant de point d’ancrage et de référence objectivée aux perceptions.

Mais en regardant de plus près, on peut mettre en évidence une subjectivité perceptuelle. Par exemple, le fait que certaines expériences soient agréables ou désagréables pour les êtres. Un des avantages de cette perspective idéaliste est de rendre l’opération de la loi de causalité (le karma et son mûrissement) plutôt aisée à concevoir. Les actions sont créées par et dans l’esprit et les effets ne sortent pas de cette sphère. Dans un système dualiste du corps et de l’esprit, fut-il ” faible “, lier la chute d’une tuile sur notre tête à l’expérience douloureuse qui en résulte en tant que karma mûrissant paraît plus malaisé (et hasardeux !).

– Karma et divination.

Les expériences de coïncidence signifiante dont essaient de rendre compte les études de la synchronicité, trouvent une explication naturelle dans l’hypothèse d’un monde non duel, appelé psychoïde par Jung, où la séparation ontologique et phénoménologique esprit/matière n’est pas reconnue comme appropriée.

Toutes les écoles bouddhistes acceptent sans réserve que nos expériences soient conditionnées par le karma, c’est-à-dire les actions corporelles, vocales et mentales réalisées dans le passé.

Aucune sensation agréable ou désagréable n’est produite sans cause ni raison, au hasard ou ex nihilo. La cause essentielle en est un acte vertueux ou non vertueux respectivement, créé dans un passé plus ou moins lointain. Les conditions secondaires ou coopératives en sont diverses, puisqu’elles comprennent toutes celles qui ont amené le morceau de gâteau dans notre bouche, ou notre main dans l’eau bouillante. De même, la cause substantielle d’une fleur est sa graine et les conditions coopératives la terre, l’eau, l’air, la chaleur et la lumière. Le karma est un sujet d’une immense complexité dont il est dit que la compréhension en profondeur est plus difficile que celle de la vacuité qu’on appelle pourtant ” le profond “.

En fait, seul un esprit omniscient peut en mesurer tous les tenants et les aboutissants. A nouveau l’interdépendance, dans son sens de causalité, en sont le centre. Toute expérience et contenu d’expérience sont l’effet de causes et conditions. Mais aussi dans leur acceptation d’intersubjectivité. On parle de karma collectif qui nous fait partager un même monde, quoique, en fin de compte, celui-ci soit créé par l’esprit et les potentialités résidant en chacun. Une assemblée peut être réunie autour d’un gâteau mais chacun en gouttera sa part.

En procédant à une divination, on essaie de percevoir les causes et les potentiels présents, en inférant leur développement à venir. On ne va pas dans le futur pour autant et les paradoxes temporels dont se délectent les auteurs de science fiction sont évités. Ce qui touche aux prédictions, prémonitions, divinations et autres manières de ” voir ” l’avenir, opère au niveau des potentialités et des germes. C’est en agissant sur eux que nous pouvons infléchir l’avenir, c’est-à-dire en prévenant certains effets par l’élimination des causes et en projetant certains résultats, en créant les conditions appropriées. Mais nous serons impuissants à changer quoi que ce soit une fois la maturation réalisée.

On peut supposer que la divination crée un contact avec le plan de l’alaya, contenant tant les potentiels individuels que collectifs. Il serait intéressant de lier l’existence de ces derniers à la présentation des archétypes. Nous partageons donc notre univers à travers ce karma collectif et ses fruits.

– La cosmogonie bouddhiste.

La cosmologie bouddhiste décrit quatre périodes cycliques de très longue durée, marquant la vie et la mort de l’univers (il est difficile de préciser s’il s’agit de galaxie, d’amas galactiques, ou à quel niveau de la description astrophysique actuelle cela correspond). Ce sont les phases de vide, de formation, d’existence durant laquelle les êtres peuvent peupler cet univers, puis de destruction. Elles forment un cycle et plusieurs de ceux-ci font un mégacycle dont la durée pourrait se calculer en milliards d’années. Dans le Tantra de Kalachakra, le vide n’est pas décrit comme absolu mais comme empli de virtualité, et les particules qui en émergent sont décrites comme ” faites d’espace “, ce qui nous fait penser au vide quantique et aux particules en tant que propriétés de l’espace. De ce vide donc, apparaissent des éléments, à travers un processus de densification d’énergies causé par le karma d’un nombre incommensurable d’êtres. Ceux-ci vivent dans d’autres univers qui ne seront plus viables dans leur phase de destruction, et devront donc changer d’univers. Mais des êtres peuvent passer d’un univers à l’autre lorsque les deux sont viables. Pour l’être dans le bardo, l’existence intermédiaire entre deux vies, les distances ne sont pas un obstacle, la vitesse de la lumière ne semble pas être une limite. On peut donc considérer ces univers spatio-temporels soit dans une vision plutôt réaliste, même s’il faut faire appel à des notions de physique quantique, aux lois de l’information et de la thermodynamique, à des théories holistes d’ordre implicite, etc…, soit dans une vision idéaliste subsumant les catégories de l’espace, du temps, de l’énergie, etc…, à celles de l’esprit.

3° L’école Madhyamika.

Nous allons aborder maintenant une vision plus subtile, difficile à saisir intuitivement de prime abord, mais dont les familiers par exemple de Wittgenstein, de la phénoménologie, voir du constructivisme pourront saisir l’essentiel.

Il s’agit de la voie du milieu, présentée par les écoles centristes (Madhyamika), qui exploitent l’idée d’interdépendance avec plus de profondeur que les écoles précédentes. Ce que les tenants du centrisme reprochent aux idéalistes est le statut exagéré, selon eux, qu’ils prêtent à la conscience. Car selon ces derniers, la ” simple cognition “, libérée de l’illusion attribuant à la forme et à la perception de la forme deux natures substantielles distinctes, existe de façon réelle et ultime.

Pour eux, tant qu’un phénomène n’est pas simplement désigné par la pensée, qu’il n’est pas une simple expression, ou encore qu’il est appréhendé directement par la conscience sans passer par l’intermédiaire d’autres phénomènes (comme une personne dans la rue est appréhendée en dépendance de la perception de son corps), il existe substantiellement, c’est-à-dire en réalité.

A vrai dire, même si les idéalistes accordent une existence réelle et ultime aux phénomènes, tels les causes et les effets, puisqu’ils ne sont pas de simples désignations et qu’ils sont intrinsèquement identifiables, dans une autre acceptation des termes ” ultime et conventionnel “, ils leur donnent le statut de vérité conventionnelle ou relative, car l’ultime est la parfaite non-dualité immuable et non-conditionnée, qui est aussi l’objet de la sagesse exaltée.

Mais le mode d’existence réelle dans la première acceptation est vigoureusement mis en question par les centristes. Par exemple, le Maître Shantarakshita du XIe siècle écrit dans ” L’ornement de la voie du milieu ” :

” Les choses présentées par nous-même et les autres,

Du fait de n’avoir aucune nature

Réelle d’unité ou de pluralité,

N’existent pas intrinsèquement, comme un reflet. “

Cela signifie que tout phénomène est divisible, soit physiquement, soit mentalement, et qu’il ne saurait donc exister en tant qu’unité réelle ni en tant que multiplicité réelle, cette dernière étant fondée sur la notion d’agrégation d’unités discrètes et l’unité étant existante.

Le Lankavatara dit aussi :

” En s’appuyant sur l’esprit seul

On ne conçoit pas d’objet extérieur.

Demeurant dans l’observation correcte

On passe aussi au-delà de l’esprit seul. “

Un arbre n’est pas ses parties, et n’est pas non plus hors de celles-ci. Mais il en dépend. Les parties étant divisibles, elles sont aussi dépendantes de leurs parties. En descendant à l’échelle atomique et subatomique on ne trouve pas de particules indivisibles.

De même la conscience n’est pas, au sens strict, ses moments successifs, ni à part de ceux-ci. Elle est désignée en dépendance de ces moments. Nous avons là un sens très fort, efficace et relativement aisé à comprendre, de l’interdépendance. Car bien qu’il n’y ait pas d’existence ultime, unité et multiplicité sont acceptables conventionnellement pour une conscience qui n’analyse pas leur mode d’être.

Les complications commencent quand on entre dans le détail de la présentation centriste, car on distingue des visions divergentes qui donnèrent naissance à des sous-écoles. On parle en effet de centristes autonomistes (svatantrika madhyamika) et de centristes conséquentialistes (prasangika madhyamika). Les premiers étant eux-mêmes divisés en traditionalistes (sautantrika), et idéalistes du fait que ces derniers présentent une explication similaire à l’école Cittamatra au niveau conventionnel (la matière en tant qu’objet extérieur n’existe pas) et qu’ils considèrent cette compréhension comme une étape utile dans le processus de déconstruction analytique menant à la réalisation finale des centristes, tandis que les tenants du Svatantrika Sautantrika acceptent l’existence conventionnelle d’objets extérieurs.

Bien qu’il y ait d’autres différences, nous ne les mentionnerons pas ici. La divergence autonomiste/conséquentialiste est porteuse d’implications plus subtiles et radicales. Bien que les centristes n’accordent aucun statut ultime aux phénomènes quels qu’ils soient, il est néanmoins nécessaire de rendre compte d’un certain niveau ou mode d’existence du monde, sans quoi nous tomberions dans l’extrême du nihilisme, avec pour conséquence, entre autres, le rejet de la loi de causalité (karma), donc de la responsabilité individuelle et des valeurs éthiques nécessaires à toute vie sociale humaine.

Nous voyons qu’il y a en effet un relativisme dans le mauvais sens du terme, créateur d’une vision cynique et dénuée de sens porteur, où la vie humaine ne vaudrait pas davantage que le plaisir éphémère qu’on retirerait en l’exploitant ou la supprimant.

Ainsi même si les autonomistes refusent une présentation objective et positive du monde, par le rejet d’un mode d’existence qui ne serait pas déterminé par la capacité d’apparaître à une conscience valide, ils accordent néanmoins une certaine existence en soi à des phénomènes au niveau conventionnel, considérant qu’ils doivent exister aussi de leur propre côté, par leur propre nature. En d’autres termes, l’existence de l’objet dépend de sa base de désignation et de la conscience désignante, ce qu’acceptent aussi les conséquentialistes, mais la base n’est pas purement nominale pour les autonomistes, alors qu’il n’y a pas de mode d’existence qui ne soit pas déterminé par la capacité d’apparaître à une conscience et intrinsèquement identifiable. C’est ce paradoxe que rejettent les conséquentialistes. Pourtant cette position autonomiste semble plus confortable en dépit de l’ambiguïté résiduelle. Par exemple, lorsque sur la base d’impressions visuelles un chat est perçu, bien que son existence soit posée à travers l’apparence à la conscience avérée qui l’appréhende, et n’aurait aucun sens autrement, il doit néanmoins exister certaines caractéristiques propres à l’objet perçu, sans quoi il est difficile d’expliquer pourquoi on ne perçoit pas aussi bien un chien ou n’importe quoi d’autre, ou pourquoi plusieurs personnes perçoivent le même chat au même moment.

Ce résidu d’existence intrinsèque au niveau conventionnel est une question difficile d’autant plus que la solution conséquentialiste est déroutante. Pour ses tenants les caractéristiques propres sont aussi simplement désignées et ne sont donc pas ” propres ” à l’objet au sens stricte. Pour eux, la procédure de l’analyse ultime ne révèle rien de la nature en soi d’une chose, sinon sa pure absence, son ” introuvabilité “, en bref sa vacuité. Pas même le nirvana, la bouddhéité, la vacuité elle-même ou la simple désignation n’existe de son propre côté ; il n’existe pas le moindre atome d’existence en soi. Pourtant toutes ces choses existent conventionnellement, c’est-à-dire à un niveau contextuel et superficiel, sans analyse. Elles sont simplement désignées en dépendance d’une base de désignation. Par exemple une personne, moi-même ou autrui, existe, mais en tant que simple désignation sur la base des agrégats (le corps, la conscience, etc.) qui apparaissent, et chaque agrégat est lui-même simplement désigné. Ceci bien qu’un mode d’existence intrinsèque n’existe pas, n’a jamais existé et n’existera jamais. Lorsque je demande à table qu’on me passe le sel, les gens comprennent et me passent le sel sans se demander de quel sel il s’agit, celui qui existe dans sa base de désignation (les grains) ou ailleurs, de par sa propre nature ou non, etc…

L’interdépendance est ici considérée dans son acceptation la plus profonde. Un arbre par exemple existe en dépendance de sa base de désignation : ses diverses parties constituantes, ses contours et ses couleurs, la désignation ” arbre ” et la conscience qui désigne. En lui-même l’arbre n’est rien. De plus on ne peut parler d’une perception qu’en regard d’un objet perçu et vice versa. Ils sont dialectiquement définis l’un par rapport à l’autre, tant comme ” haut ” et ” bas “, ” cause ” et ” effet “, ” partie ” et ” tout “, ” signifiant ” et ” signifié”. Il n’y a pas de critère objectif en dehors de cette relativité pour les établir.

La non-dualité est précisément cette absence de l’en soi du monde, sa vacuité, dont l’autre face est l’interdépendance. Le sens de la vacuité est celui de l’interdépendance, dans la voie du milieu, libérée des extrêmes d’existence et de non-existence.

Ainsi devrions nous pratiquer la divination dans la pureté des trois sphères : agent, action et objet.

On comprend mieux dès lors pourquoi la question de l’identité corps/âme (rupa/jiva) fait partie de celles auxquelles le Bouddha répondit par le silence. Non pas par agnosticisme, ce qui reviendrait à ne pas y répondre, mais parce que ceux qui posaient la question avaient en tête une notion très concrète du corps et de l’âme. Les accepter comme identiques était les réduire l’un à l’autre, engendrant un modèle matérialiste ou idéaliste, et refuser leur identité revenait à les distinguer comme deux principes séparés, sans interaction possible, puisque existant chacun réellement, c’est-à-dire en soi, indépendants.

Pour percer le mystère de leur interaction, il faut d’abord abandonner toute surimposition d’existence concrète, réelle, dans le sens de ” donnée “. N’ayant pas de nature substantielle, étant simplement désignés, la matière et l’esprit ne sont ni une même substance, ni des substances séparées.

Cette façon de voir les choses est proche d’un nouveau paradigme en sciences cognitives, d’une nouvelle tentative de définition de la conscience, de la connaissance, etc…

Particulièrement significatif est le rejet de la notion, jusqu’ici prédominante mais infondée, que la cognition est une fonction représentative d’un monde préexistant et prédéfini. Et aussi que les domaines catégorisés par la raison référent de fait à des phénomènes isolables et indépendants comme ” la matière “, ” la conscience “, ” la sensation “, ” l’énergie “, etc… Très frappante est aussi la demande d’une réhabilitation du sens commun dans les théories visant à rendre compte du monde et de sa perception, ainsi que l’insistance sur la contextualité à ses divers niveaux, y compris socioculturels. C’est enfin, sans que la liste soit exhaustive, la définition des processus cognitifs comme la résultante d’un processus historique dont le critère est la viabilité, qui est la co-détermination entre la cognition et le milieu. Ce dernier point est un parallèle parfait avec la théorie du karma expliquant que le vécu antérieur conditionne le domaine perceptuel avec son mode duel, sujet/objet et le contenu spécifique des expériences pour chaque espèce et individu.

Ce que nous avons essayé de mettre en évidence est que le mode d’apparence et le mode d’existence du monde sont divergents. Mais nous prenons les apparences pour argent comptant, tout comme nous attribuons inconsciemment une valeur intrinsèque à un billet de cinq cents francs, sans nous attarder sur le fait qu’il s’agit d’un morceau de papier auquel est attribué une valeur par simple convention sociale.

Nous prenons pour argent comptant le monde physique, alors que la physique quantique ne considère les particules que comme des modèles utiles sans référence spatio-temporelle déterminée (les notions de temps, d’espace et d’énergie), tandis que la relativité d’Einstein en fait des attributs relatifs ; il en est de même de notre propre existence en tant qu’identité autonome et substantielle, bien démarquée des autres et de l’environnement alors que les multiples théories biologiques, psychologiques et sociologiques démontrent clairement nos conditionnements ainsi que notre interdépendance vis-à-vis du milieu.

La liste est sans fin.

B. Pneuma/conscience dans le Tantra.

Nous allons maintenant terminer cette discussion sur la nature et la relation du couple esprit/matière avec la présentation succincte de la vision des Tantras, particulièrement du Kalachakra Tantra, puisque c’est sur celui-ci que s’est principalement appuyé Lama Mipham pour concevoir ce Mo. Nous nous intéresserons donc à la classe supérieure des Tantras (Mahanuttara-yoga-tantra), dont l’étude et la pratique ne devraient théoriquement commencer qu’après avoir établi fermement en soi les trois principes de la voie et reçu une initiation. Ces trois principes sont le renoncement, l’esprit d’Eveil qui est le souhait d’atteindre l’Eveil pour le bien de tous, et la sagesse réalisant la vacuité.

Cette dernière devrait être cultivée au moins selon la vue de l’école Cittamatra, et pour ce qui suit, il serait utile de garder à l’esprit ce qui vient d’être développé, particulièrement la vue conséquentialiste. Car bien que le Tantrayana introduise des notions nouvelles comme la Claire Lumière et les énergies subtiles, celles-ci n’en ont pas pour autant une existence intrinsèque.

Nous avons vu la présentation nominaliste de l’esprit et de la matière selon les centristes conséquentialistes. Néanmoins, ils sont considérés comme mutuellement exclusifs, dans le sens où rien ne saurait être l’un et l’autre.

Une personne, par exemple, bien que possédant un corps et une conscience, n’est ni l’un, ni l’autre.

Il y a donc une sorte de pseudo-dualisme corps/esprit. Mais selon les Tantras supérieurs, la conscience très subtile, dite de Claire Lumière, et son support dynamique, l’énergie très subtile, le pneuma (prâna), sont une même entité.

Le Kalachakra Tantra présente trois cycles (chakra), externe, interne et alternatif. Le cycle externe correspond au monde environnant, le cycle interne se réfère aux êtres sensibles et le cycle alternatif se réfère à l’initiation, aux deux stades et au fruit. C’est-à-dire que dans la division classique en base, voie et stade résultant, les deux premiers cycles constituent la base de purification, l’initiation et les deux stades forment la voie de purification et le fruit bien entendu est le stade résultant.

Le cycle alternatif comprend donc la voie et le stade résultant.

Le cycle du temps (Kalachakra) externe traite des changements de la base externe, qui comprend les cinq éléments (espace, air, feu, eau, terre), les périodes (années, mois, jours, heures, minutes, secondes), les mouvements dont s’occupent l’astronomie et l’astrologie (étoiles, constellations, planètes, éclipses), etc…

Le cycle du temps interne traite des mouvements comme la respiration dans la base interne, qui comprend le corps avec les agrégats, les cinq éléments, les sensations, les facultés sensorielles, le corps subtil, les pneumas, les canaux (nadis) et chakras, les gouttes essentielles (bindus), etc.

Il y a une interconnexion très profonde entre ces deux bases, interne et externe, et de fait la psychologie des Tantras est empreinte de l’idée d’adéquation entre le microcosme qu’est l’être humain et le macrocosme qu’est l’univers.

L’environnement doit être purifié, car il affecte nos consciences à travers des expériences agréables et désagréables. De même, au niveau interne, des modifications des gouttes essentielles ” mâle ” et ” femelle ” (dont les hormones font certainement partie) produisent plaisirs et douleurs. Les pneumas induisent aussi des états de conscience. La base interne à purifier est donc principalement ces pneumas qui produisent naissance, vieillesse, mort et renaissance. De façon générale, toutes les émotions perturbatrices sont dues aux mouvements des pneumas dans les canaux (nadis) du corps subtil, et la conscience en fait l’expérience. On dit que le pneuma est le véhicule de la conscience. Les éléments internes et externes sont en connexion. Par exemple, les éclipses affectent les canaux et donc ce qui y circule. Ce sont des occasions particulières pour les yogis et yoginis qui souhaitent absorber les pneumas dans le canal central (shushuma) et stopper les mouvements des canaux latéraux. Cela induit une béatitude particulière qu’ils utilisent pour s’absorber dans la vacuité.

Autrement dit, le contrôle des éléments internes permet celui des éléments externes et donc des influences dangereuses pour notre santé physique et mentale, telles que les sécheresses, famines, épidémies, tremblement de terre, etc… Cela permet aussi de léviter, de marcher sur l’eau, de guérir, etc… Les phénomènes cognitifs dépendent aussi des pneumas, dont font partie les influx nerveux.

Pneuma et conscience très subtiles sont inséparables et sont une seule nature, comme une flamme et sa lumière. Ils existent depuis toujours, en tant que continuum, et ce sont eux qui se transforment en Corps de forme (Rupakaya) et Corps Universel (Dharmakaya) au stade résultant qu’est la bouddhéité.

Donc, les deux bases sont purifiées par les deux stades de la voie qui résultent en deux aspects purifiés.

Le processus est décrit dans un système d’une immense complexité. Par exemple, 36O points (chakras) visualisés dans le corps correspondent à 360 jours, 360 cycles de respiration etc… Cette dernière joue un rôle très important en tant que pont entre pneuma et conscience, entre activité volontaire et involontaire. ou encore dans la description des quatre occasions (veille, rêve, sommeil profond, orgasme), des quatre contaminations, celles-ci étant les types de potentiels donnant naissance aux apparences ordinaires de l’état de veille, aux rêves empreints de ces dernières, à l’inconscience du sommeil profond et à l’orgasme de l’union sexuelle ordinaire, et des quatre gouttes essentielles contenant ces potentiels, le tout étant purifié par quatre yogas etc…

Notons enfin que les mantras unifient les trois cycles.

3. RELATION DU CONSULTANT AVEC LA DIVINITE (YIDAM) ET LA NATURE DE BOUDDHA.

Après avoir considéré notre relation au monde à la lumière des différentes facettes du Joyau du Dharma, nous allons aborder la question de notre relation au Bouddha dans le contexte d’une pratique divinatoire comme le Mo.

Si ce qui suit est basé sur la tradition, la formulation explicite de ce qui permettrait d’entrevoir comment la sagesse omnisciente des Bouddhas nous guide dans la divination est une tentative de l’auteur de ces lignes.

L’Uttaratantra d’Arya Maitreya présente une manière spéciale de prendre refuge, fondée sur la notion de refuge ultime. Il s’agit de s’en remettre au Bouddha – Dharma – Sangha potentiel en nous-même, ce que nous deviendrons après avoir cultivé la voie jusqu’à son aboutissement : l’incomparable éveil complet et parfait (Anuttarasamyaksambodhi). Ce potentiel est appelé tantôt ” embryon (ou matrice) de celui qui va dans l’ainsité ” (Tathagatagarbha), tantôt ” lignée ” (gotra) ou ” essence ” (dhatu) etc. mais nous l’appelons plus communément ” Nature de Bouddha “. La notion en fut introduite dans le Dharanirajasutra, le Tathagatagarbhasutra et d’autres, et sa nature exacte reste très disputée parmi les différentes écoles tibétaines et chinoises. Nous essaierons de rester ici dans les limites de ce qui est acceptable par tous.

De fait, il est dit que la lignée est inconcevable parce qu’elle est pure mais polluée, sans impureté mais pourtant à purifier, de nature inséparable (des qualités de Bouddha), spontanée et non conceptuelle (ou sans effort ni intention).

Selon la seconde mise en mouvement de la roue du Dharma, correspondant aux Prajnaparamitasûtras, il s’agit de la vacuité et selon la troisième mise en mouvement de la roue du Dharma, c’est la clarté de l’esprit. En fait ces deux notions ne sont pas contradictoires car la sagesse exaltée (jnana), fut-elle primordiale ou au stade de la réalisation directe (aryamarga) est non-duelle, ce qui signifie qu’elles sont indifférentiables et, en réalité, une même nature.

Seule la conceptualisation les distingue afin d’expliciter ce qui est au-delà de notre expérience limitée à des fins sotériologiques. Cela n’est pas un problème en soi, tant qu’on se souvient que la nature véritable est non-duelle, comme de l’eau versée dans de l’eau. Discriminer ce qui est fondamentalement inconcevable, informulable et ineffable est un moyen habile (apayakausalya) pour communiquer l’incommunicable. Comme le disent déjà les Sûtras de la première mise en mouvement de la roue du Dharma, l’expérience est à faire par soi-même, directement.

Au niveau des Tantras, on parle de conscience innée et fondamentale de Claire Lumière, inhérente à tous les êtres. C’est la source qui, cultivée et développée, devient la voie et résulte en la non-dualité de l’état de Bouddha. Dans le Dzog Chen, il est aussi question d’égalité non-duelle entre la base, la voie et le fruit.

Cette non-dualité du stade résultant est le Manjushri définitif, tandis que l’aspect manifesté à partir de cette source est le Manjushri symbolique. L’Uttaratantra rappelle que tous les êtres, quels qu’ils soient, possèdent la Nature de Bouddha, et cela pour trois raisons :

” Parce que la multitude des êtres est enveloppée dans la sagesse de Bouddha

Que leur nature immaculée est non-duelle,

Et son résultat se manifeste dans la lignée de Bouddha,

Il est dit : tous les êtres ont la Nature de Bouddha ” (I, 27)

Ou, autrement dit :

” Parce que le Corps de Bouddha pénètre partout,

Que l’ainsité est de nature non différenciée,

Que la lignée existe (en tous) :

Tous les êtres, de tous temps, possèdent la Nature de Bouddha ” (I, 28).

Les trois raisons référent respectivement au résultat, à la nature et à la cause.

Arya Asanga, dans son commentaire, dit que le Corps Universel (Dharmakaya) pénètre tous les êtres.

L’activité de Bouddha provient d’une source qui doit finalement être réalisée par soi-même, si bien qu’en recevant ces activités, la lignée est développée et se transforme en stade résultant. Le Corps Universel est semblable à un joyau qui exauce tous les souhaits en ce qu’il a le pouvoir d’affecter le cœur des êtres par son activité.

Nous pouvons mieux apprécier, à la lumière de ces écritures canoniques, comment il est possible de s’en remettre au Gourou Yidam, qui est indifférencié des trois corps de Bouddha, dans toutes nos activités vertueuses. Opérer une divination avec une motivation correcte est une de ces activités.

Parce que l’ainsité de l’esprit (sa nature ultime) est la même pour l’être ordinaire et pour le Bouddha, nous somme perméables à la présence intime de celui-ci. De même, l’esprit très subtil d’un être non-libéré et d’un éveillé est de même nature. A vrai dire, selon le Tantrayana, le Gourou ultime est notre propre esprit très subtil. Bien qu’il faille pratiquer à l’aide de la foi, la méditation, la sagesse et la compassion avant de rendre manifeste cette conscience primordiale de Claire Lumière, avant d’en avoir l’expérience et de la stabiliser afin de rayonner l’activité compatissante d’un être éveillé, cette Claire Lumière existe de tout temps avec nous. C’est en elle que les consciences grossières et subtiles s’absorbent au moment de la mort et c’est d’elle qu’elles émanent dans la vie suivante. Les fautes et les contaminations portées par ces consciences grossières sont adventices à la nature véritable de l’esprit. Les qualités par contre y sont potentiellement présentes et en sont inséparables.

Nous avons vu brièvement comment appréhender l’immanence et la transcendance divine dans leur non-dualité. Avec la foi dérivant de cette contemplation de l’interdépendance entre le Corps Universel du Bouddha de sagesse Manjushri, nous-mêmes munis de la Nature de Bouddha et le monde conçu dans son infinie complexité et sa nature holiste, nous pouvons nous engager dans la pratique divinatoire avec un esprit ouvert, confiant et sans superstition. Si notre motivation est correcte, c’est-à-dire non égocentrée, et si nos questions ne sont pas simplement triviales, il n’y a aucune raison pour que nous ne puissions en dériver d’authentiques bienfaits.

Mo, Tarot, Yi-King,

et Psychologie Transpersonnelle

par Michel Bon

1. LE MO, TAROT A 36 ARCANES.

A. Le Mo et sa nature de tarot

Le Mo est traditionnellement utilisé au Tibet en tirant deux fois un dé sur les 6 faces duquel sont inscrites les syllabes d’un mantra. Les 6 x 6 = 36 combinaisons possibles correspondent à des archétypes concrets décrits avec précision par Mipham. Aussi a-t-il été possible de dessiner ces archétypes et d’en faire 36 peintures, c’est-à-dire 36 arcanes.

Au lieu de tirer deux fois un dé, on peut donc consulter le mot en laissant sa main choisir l’une des cartes, comme dans tout tarot.

B. L’utilisation pratique du Mo comme Tarot.

Le Mo pour les occidentaux non-bouddhistes.

Une concentration préalable est nécessaire comme pour le tirage du Tarot ou du Yi-King. Se relaxer en position assise en portant son attention sur le mouvement de la respiration ; il est bon de répéter le mantra de Manjushri trois fois ou sept fois, même si vous n’êtes pas bouddhiste. Puis vous posez votre question, ou restez en état de relaxation, sans pensée, pour une consultation sans question particulière. Vous laissez alors votre main choisir une carte (ou tirer deux fois le dé).

1° Les tirages.

– Tirage d’une carte du Tarot.

Le tirage tibétain classique équivaut au tirage d’une seule carte comme réponse à une question (c’est-à-dire deux jets de dé).

Dans une question de relations entre deux personnes, la première syllabe nous représente nous-même et la seconde syllabe représente l’autre personne.

– Tirage successif de deux cartes du Tarot :

Dans une question de relations entre deux personnes, le premier tirage nous concerne nous-même, alors que le second concerne l’autre personne.

– Tirages classiques du Tarot :

Le tarot tibétain peut être utilisé pour la plupart des tirages classiques du Tarot.

– Le tirage jungien :

J’ai mis au point un tirage d’inspiration jungienne, transpersonnelle et tantrique très riche, que vous pouvez utiliser si vous comprenez suffisamment le sens de ces variables que je ne peux expliquer longuement ici (cf. le dernier livre de Jung, ” L’homme et ses symboles “, Laffont). Un tirage court comporte les emplacements suivants :

La croix du conscient :

1. Le Moi (la personnalité consciente)

2. La Personna (le masque social que l’on veut se donner)

3. Le Moi idéal (ce que l’on voudrait être)

4. La Motivation consciente fondamentale

La croix de l’inconscient :

5. L’inconscient, bilan général

6. L’ombre (le mal en nous que l’on refuse de voir et qui est à intégrer)

7. L’Anima (pour un homme) ou l’Animus (pour une femme) (la partie de notre inconscient de sexe opposé à notre conscient et qui est aussi à connaître et intégrer).

8. La Shakti lovée (notre énergie subtile potentielle)

Le surconscient :

9. La Shakti dressée (notre énergie subtile réalisée)

10. Le Soi (la totalité non-duelle de notre être)

Je fais le tirage au centre de la croix du conscient puis, dessous, de la croix de l’inconscient ; enfin, tout à fait en haut, du surconscient. A chaque niveau une synthèse doit être faite des 4 ou 2 cartes de ce niveau. on doit comparer aussi les cartes des différents niveaux et en particulier les deux Shakti (8 et 9) et le Moi (1) et le Soi (10)…

2° Interprétation de la carte tirée.

Rappelons d’abord que le Mo permet plusieurs niveaux d’interprétation. Il y a une signification extérieure ou exotérique et une signification intérieure ou ésotérique. Lorsque deux syllabes identiques apparaissent ensemble dans un tirage (par exemple AH AH, ou RA RA…) les significations externes et internes sont identiques.

La carte tirée, on peut lire la synthèse de sa signification ci-dessous en se référant au paragraphe 4. Pour plus de précision on pourra se reporter à la fiche traduite du tibétain, en sachant replacer cette interprétation dans le contexte de la culture et des pratiques religieuses populaires tibétaines.

Enfin, on peut utiliser la riche carte de l’archétype tibétain selon la technique projective du tarot psychologique de Denise Roussel, psychologue clinicienne canadienne (“Le Tarot Psychologique” ed. du Jour). Pour cela, se laisser simplement imprégner de l’image et lui laisser dire ce qu’elle a à nous dire.

C. La synchronicité, une explication du Mo.

1o Définition de la synchronicité.

La synchronicité a été nommée et analysée par Jung, mais utilisée depuis toujours, en particulier dans le Yi-King, comme moyen de connaissance de soi et du cosmos, et malheureusement aussi dans une dérive divinatoire magique.

La synchronicité ne rentre ni dans le cadre de la causalité au sens scientifique occidental, ni dans le cadre de la finalité. C’est la convergence de deux séries causales, l’une physique et l’autre psychique. Par exemple Jung écoute une analysante lui raconter son rêve dans lequel elle décrit un énorme scarabée vert, et à ce moment il entend taper à la vitre de la fenêtre de son bureau, dans sa maison au bord d’un lac en Suisse ; il se lève et voit à sa vitre un énorme scarabée vert, espèce rare dans la région. On ne peut voir de relation de causalité entre les deux événements, mais seulement leur coïncidence signifiante dans l’espace-temps.

La synchronicité exprime l’unité esprit-matière, espace-temps, sattvique-essence des choses ; c’est une manifestation signifiante de l’unité du macrocosme et du microcosme, conformément à la Table d’Emeraude d’Hermès trismégiste : ” Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas. ” C’est aussi ce que Jung appellera ” l’Unus Mundus “, le Monde Un. (cf. en particulier Jung : La synchronicité, principe de connexions acausales).

La notion de synchronicité n’est pas définie dans le bouddhisme, mais de nombreux exemples de rencontres signifiantes entre personnes, ou des événements signifiants arrivant à une personne sont donnés, qui, incompréhensibles en eux-mêmes, prennent leur sens par la connaissance de causes créées dans des vies antérieures, par l’oeil clairvoyant d’un Bouddha.

2o Connaissance de soi et synchronicité.

Avec le mécanisme des projections et l’interprétation des rêves, la synchronicité est un moyen fondamental de connaissance de soi. on peut être attentif à tout ce qui nous arrive dans la vie quotidienne que la synchronicité peut éclairer. On peut aussi se mettre en situation de synchronicité avec le Tarot ou le Yi-King, dont le tirage est une application de base de son principe, et d’ailleurs Jung a fait en partie son auto-analyse avec l’aide du Yi-King. La main qui jette les pièces de monnaies ou les baguettes de bois (dans le Yi-King), le dé (dans le Mo traditionnel) ou qui saisit une carte (dans un Tarot) ne le fait pas au hasard, selon le mécanisme de la synchronicité, et le résultat permet de mieux nous connaître et de nous guider.

La psychologie transpersonnelle est particulièrement attentive à ces expériences transpersonnelles que sont souvent des expériences de synchronicité. Voir en particulier aux Editions Trismégiste ” Qu’est-ce que le transpersonnel ? “, ” Les psychothérapies transpersonnelles ” et ” Mystique et Transpersonnel “.

2. SIGNIFICATION DE CHAQUE SYLLABE.

AH

Elément Espace vide.

Monde : Ciel.

Genre Neutre ou hermaphrodite.

Famille de Bouddha du Tathagata de Vairocana.

Direction : Centre.

Couleur : Neutre, sans couleur spécifique propre.

Forme : Pas de forme spécifique propre.

Pas de correspondance corporelle.

Organe et objet des sens : Oreilles et sons.

Parties internes du corps : Airs subtils (lungs) et gros intestin.

Type d’activité : Paix et purification.

Eveil de la Sagesse.

Violence.

Lune décroissante.

Guérison des maladies.

Purification.

RA

Genre Féminin.

Elément Feu.

Monde : Espace entre la terre et le ciel.

Famille de Bouddha du Lotus d’Amithaba.

Direction : Ouest.

Couleur Rouge.

Forme Triangle.

Dans le corps : la voix et la parole.

Organe et objet des sens : Yeux et formes.

Parties internes du corps : Cœur et petit intestin.

Type d’activité : Pouvoir et asservissement.

Eveil de la Sagesse.

Violence.

Lune décroissante.

Désirs mentaux.

Asservissement.

PA

Genre Masculin.

Elément Eau.

Monde : Terre.

Famille de Bouddha du Joyau de Ratnasambhava

Direction : Sud.

Couleur : Blanc.

Forme : Cercle.

Dans le corps : les veines.

Organe et objet des sens : Langue et goût.

Parties internes du corps : Reins, vessie et organes de reproduction.

Type d’activité : Croissance et prospérité.

Concentration.

Douceur.

Lune croissante.

Joie et propriété.

Prospérité.

TSA

Genre Masculin.

Elément Air.

Monde : Espace entre la terre et le ciel.

Famille de Bouddha du Karma d’Amoghasiddhi.

Direction : Nord.

Couleur : Vert.

Forme : Demi-cercle.

Dans le corps : les airs (lung), la respiration et les maladies liées à l’air du corps subtil.

Organe et objet des sens : Corps et objets tactiles.

Parties internes du corps : Foie.

Type d’activité : Violence et destruction.

Eveil de la Sagesse.

Violence.

Lune décroissante.

Messages.

Destruction.

NA

Genre Féminin.

Elément Terre.

Monde : Terre.

Famille de Bouddha de Vajra d’Akshobya.

Direction : Est.

Couleur : Jaune.

Forme : Carré.

Dans le corps : le corps lui-même.

Organe et objet des sens : Nez et odeurs.

Parties internes du corps : Estomac et vésicule biliaire.

Type d’activité : Excellence.

Concentration.

Douceur.

Lune croissante.

Lieu et pays.

DHI

Genre Neutre ou hermaphrodite.

Elément Sagesse transcendantale.

Monde : Ciel.

Famille de Bouddha Heruka de Vajradhara.

Direction : Centre.

Couleur : Multicolore.

Formes variées.

Pas de correspondance corporelle.

Organe et objet des sens : Conscience et pensées.

Parties internes du corps : Semence.

Type d’activité : Toutes.

Eveil de la Sagesse.

Violence.

Lune décroissante.

On peut donc dresser le profil résumé de la signification essentielle de chacune de ces syllabes, en mettant en premier l’un des six éléments correspondants :

1. AH : Espace vide, Paix et purification, c’est-à-dire la Claire Lumière de notre propre nature, ou tout au moins une conscience pacifiée sur la voie de la réalisation de la vacuité.

2. RA : Feu des désirs et du pouvoir asservissant.

3. PA : Eau de douce croissance de la joie et de la prospérité des propriétés.

4. TSA : Air viril des informations et de la destruction.

5. NA : Terre douce et excellente.

6. DHI : Conscience androgyne de la sagesse transcendantale.

Remarquons que bien que chacune de ces syllabes soit fondamentalement positive, RA (2) et TSA (4), par leur pouvoir asservissant ou destructeur, sont plus ambivalentes que les autres.

AH (1) et DHI (6) ont une dimension spirituelle alors que PA (3) et NA (5) ont une dimension positive temporelle.

On constate que ces éléments se basent sur la classification indienne et indo-européenne classique des 4 éléments et de leur quintessence (l’espace) et ne sont pas les 5 éléments chinois (avec le bois et le métal). Le bouddhisme y ajoute l’élément de la conscience.

3. LA STRUCTURE LOGIQUE DES 36 ARCANES

A. Tarot tibétain et Yi-King : les carrés des 10 chiffres.

Le tirage successif de 2 syllabes parmi les six syllabes du mantra donne 36 combinaisons possibles (soit 6 au carré).

Il est intéressant de replacer ceci dans la symbolique archétypique des 10 chiffres et de leur carré, qui va montrer en particulier les liens du Tarot Tibétain avec le taoïsme et le Yi-King. Pour leur symbolisme je m’inspire du très profond travail vécu, mais non publié, de Maud Laporte.

Le carré de zéro est zéro. C’est le Taï chi (unité non-duelle du Yang et du Yin), le Tao potentiel, l’absolu sous la forme de la vacuité.

Le carré de 1 est 1, c’est-à-dire lui-même (quelle que soit sa puissance mathématique). C’est le Yang, le Ciel, le Créateur (dans le Yi-King), l’Unique.

Le 2, qui est le Yin, la Terre, le Réceptif, la coupe ouverte à la grâce , a pour carré le 4, figure d’incarnation et de totalité. Ce sont les 4 bigrammes, combinaisons par paires du Yang et du Yin.

Le 3, qui est naissance de l’incarnation par l’union du céleste et du terrestre, a pour carré 9. On trouve les 9 cases du carré magique de la tradition occidentale comme orientale. C’est le monde, la totalité de la manifestation, la plénitude.

Le 4 a déjà été étudié comme carré de 2. Son propre carré est le 16, qui correspond aux 16 quadrigrammes du Yi-King du Hing-Fa (cf. aux Editions Trismégiste, le livre de William Arnaud : ” Du Yi-King au Tarot des Hérétiques : le Traité de l’Etoile ” ). Le 16 exprime une grande puissance énergétique de spiritualisation.

Le 5 représente l’homme, la conscience de la vie manifestée, le microcosme.

Son carré, 25, représente la quintessence immuable de l’ici et maintenant, l’innocence du commencement de toute vie.

Le 6 est le nombre de faces du solide qu’est le cube et donc du dé utilisé pour tirer traditionnellement le Mo ; c’est aussi le nombre de côtés de l’hexagone, qui peut se représenter par l’étoile à 6 pointes du sceau de Salomon, les deux triangles inversés entrelacés, que l’on retrouve comme symbole d’un important Bouddha que je ne peux citer ici, dans les initiations tantriques. Son carré, 36, correspond au nombre de combinaisons deux à deux des six syllabes de base du Mo, c’est-à-dire aux 36 archétypes qu’elles définissent. Le 36 représente la double tétractys pythagoricienne, le macrocosme, base de l’harmonie du monde, avec ses multiples

possibilités et facettes. Dans le Yi-King, l’hexagramme 36 indique ” qu’il est avantageux d’être persévérant dans l’adversité ” et que ” l’homme noble vit avec la grande multitude ; il voile son éclat et cependant demeure lumineux ” N’est-ce pas là une description de la nature du Mo, présent pour aider les personnes dans les épreuves de l’adversité et prenant une forme qui est souvent vue comme divinatoire pour laisser paraître la lumière d’une façon tamisée, non aveuglante pour les personnes qui ne pourraient supporter de la voir directement ?

Le 7, qui représente la pure lumière, a pour carré 49 qui représente aussi la lumière en y ajoutant la mue.

Le 8 de l’étoile à 8 branches et de l’octaèdre représente le médiateur, Hermès ou Christ. Son carré, le 64, correspond bien sûr au nombre des hexagrammes du Yi-King, à l’ordre accompli.

Le 9 a déjà été étudié comme carré de 3. Son propre carré est le 81, qui fait suivre l’unité au médiateur 8.

Je renvoie à l’ouvrage de William Arnaud ” Du Yi-King au Tarot des Hérétiques ” (Ed. trismégiste) pour la démonstration du lien entre le Yi-King et le Tarot de Marseille. Le tarot tibétain n’est pas en effet le seul tarot à être lié au Taoïsme et au Yi-King.

B. Les types purs et les couples de syllabes opposées.

On peut classer les 36 arcanes selon que les deux syllabes qui les composent sont identiques (ce que j’appelle les types purs) ou selon qu’elles sont différentes ; dans ce dernier cas 2 arcanes peuvent être formés par les deux mêmes syllabes réunies selon l’ordre de ces deux syllabes.

– Les 6 types purs (syllabe identique redoublée).

11. AH AH est le Bonheur équanime, issu de l’Espace vide de Paix de 1, AH.

22. RA RA est le Bonheur Joyeux, issu du feu des désirs de 2, RA.

33. PA PA est la Prospérité comme la syllabe 3, PA.

44. TSA TSA est la Renommée issue des informations de la syllabe 4, TSA.

55. NA NA donne les Ressources issues de la Terre excellente de la syllabe 5, NA.

66. DHI DHI donne la réussite en tout en s’en remettant à une puissance supérieure, c’est-à-dire par la sagesse transcendantale de la syllabe 6, DHI.

– Les 15 couples de syllabes opposées.

En comparant les couples inversés de deux syllabes différentes, on constate qu’elles ont un sens proche (cf. 6c et 7).

De plus, on constate que ce sens n’est pas une synthèse avec une pondération identique du sens de chacune des syllabes composantes, mais penche du coté de la signification d’une de ces syllabes, la même dans les deux positions inversées. La signification de ces combinaisons de 2 syllabes constitue donc un harmonique, au sens musical, ou une déclinaison, au sens linguistique de la syllabe qui a influencé le plus cette combinaison.

Disposant de 6 syllabes pour 15 couples combinatoires, on peut s’attendre à trouver 2 ou 3 couples harmoniques pour chaque syllabe (en plus bien sûr du type pur) ; c’est ce qui arrive effectivement. Voici ces harmoniques que nous pouvons observer :

x Pour 1, AH, Espace vide, Conscience pacifiée, on a 2 couples :

12-21. AH RA, les rayons enflammés du soleil (la conscience claire) et RA AH, la lampe brillante (la conscience lucide).

14-41. AH TSA, l’étoile brillante (les bons résultats) et TSA AH, l’ombrelle blanche (la bonne fortune).

En effet ces deux couples se rapportent à la fois à l’espace cosmique et domestique et à la conscience, directement pour le couple 12-21, indirectement dans le couple 14-41, les bons résultats étant obtenus par une conscience pacifiée.

x Pour 2, RA, Eau des désirs et du pouvoir asservissant, on a 3 couples :

23-32. RA PA, le démon de la mort (la destruction) et PA RA, la fontaine sans source (le tarissement).

25-52. RA NA, l’arbre desséché (l’absence de fruit) et NA RA, le démon du fils divin (la consumation).

24-42. RA TSA, le pouvoir roi (le pouvoir) et TSA RA, la grande arme embrassée (soumettre).

En effet dans tous ces cas, c’est le pouvoir dans ses aspects constructeurs (24-42) ou ses excès destructeurs qui est envisagé.

x Pour 3, PA, Eau de douce croissance de la joie et de la prospérité des propriétés, on a 3 couples :

13-31. AH PA, les rayons de nectar de la lune (la jouissance sensorielle) et PA AH, le vase de nectar (la réussite des activités paisibles).

35-53. PA NA, le lotus d’or (la moisson sans effort) et NA PA, le vase précieux débordant (la prospérité).

36-63. PA DHI, la médecine de nectar (le bienfait) et DHI PA, le poisson femelle en or (la chance).

Ces trois couples se rapportent avec évidence aux valeurs de la syllabe PA, de douce joie (jouissance, chance…) et de prospérité.

x Pour 4, TSA, Air viril des informations et de la destruction, on a 3 couples :

34-43. PA TSA, le démon des perturbations (les perturbations) et TSA PA, vide d’intelligence (les dispersions).

45-54. TSA NA, Mara, le démon des agrégats (l’échec) et NA TSA, la montagne de sable éparpillée (la dissolution).

46-64. TSA DHI, la maison des bonnes nouvelles (les bonnes nouvelles) et DHI TSA, la conque blanche (la célébrité).

Dans ces trois couples triomphe l’élément Air sous son aspect défavorable de remous désordonné ou sous son aspect positif informatif (46-64).

x Pour 5, NA, Terre douce et excellente, on a 3 couples :

15-51. AH NA, la terre d’or (les lents fruits du travail) et NA HA, la montagne d’or (la stabilité).

35-53. PA NA, le lotus d’or (la moisson sans effort) et NA PA, le vase précieux débordant (la prospérité).

56-65. NA DHI, le trésor de joyaux (la prospérité inépuisable) et DHI NA, la roue en or (la prospérité sans effort).

Ces trois couples se rapportent évidemment aux fruits excellents de la terre.

Le couple 35-53 a déjà été cité avec la syllabe PA (3), car sa valeur est commune aux deux syllabes constituantes.

x Pour 6, DHI, Conscience androgyne de la sagesse transcendantale, on a 2 couples :

16-61. AH DHI, la note du Vajra (le développement de l’intelligence) et DHI AH, l’apparition de Manjushri (grandir dans la sagesse).

26-62. RA DHI, la porte des visions auspiscieuses (le conseil bénéfique) et DHI RA, le nœud infini (l’harmonie amicale). La sagesse est directement visible sauf pour le 62, dont l’harmonie amicale est le résultat d’une sagesse intentionnelle des rapports humains.

C. Les 28 arcanes positives et les 8 arcanes négatives.

Un cinquième des arcanes (22%) a une signification défavorable, les autres étant plutôt favorables ou très favorables. Cela montre l’optimisme des tibétains envers la nature humaine. Tirer un Mo doit donc donner de l’espoir et remonter le moral dans les trois quarts des cas. Lorsque l’on tire une carte défavorable, il ne s’agit pas de se désespérer pour autant : cela nous met devant la réalité d’une mauvaise période, nous aide à l’accepter objectivement comme telle, et à comprendre qu’elle est passagère : nombre de conseils incitent à la patience et à attendre une conjoncture plus favorable pour agir.

Les arcanes positives et négatives sont constitués de couples de syllabes:

– Toutes les combinaisons pures composées de deux fois la même syllabe sont positives.

– Aucune combinaison comportant une syllabe fondamentale extrême AH ou DHI, correspondant respectivement aux éléments de l’espace et de la conscience, ne donne de combinaison défavorable, en raison de la puissance positive de ces éléments et de leur compatibilité avec tous les autres.

– Les combinaisons de deux mêmes syllabes, quelle que soit la première syllabe, sont toutes deux positives ou négatives ; l’aspect favorable ou défavorable de l’arcane dépend donc de la combinaison de ces syllabes et non de l’ordre de leur comparaison qui ne donne que des nuances.

– Les 4 combinaisons défavorables concernent les syllabes suivantes :

RA/PA (23 et 32) RA/NA (25 et 52)

PA/TSA (34 et 43) TSA/NA (45 et 54).

On peut se demander pourquoi celles-là et pas les autres.

Si nous examinons les éléments en présence dans ces combinaisons défavorables, nous avons : Feu/Eau, Feu/Terre, Eau/Air et Air/Terre.

Inversement les combinaisons Feu/Air et Eau/Terre suivantes sont favorables.

Il n’y a que ces 6 types de combinaisons possibles pour les 4 éléments, en ne comptant pas leur combinaison avec eux-mêmes.

Ces combinaisons favorables sont bien connues : l’Air nourrit le Feu, et l’Eau s’écoule dans la Terre. Ces éléments peuvent donc se mélanger et se marier harmonieusement entre eux. De même n’importe quel élément peut se mélanger avec lui-même.

Inversement les couples d’éléments donnant une combinaison défavorable sont plus ou moins incompatibles : l’Eau et la Terre éteignent le Feu, l’Air ne se mélange pas visiblement à l’Eau et à la Terre. L’astrologie confirme l’incompatibilité de ces éléments (cf. Thornton : La synastrie ; Le Jour éditeur).

Nous remarquons d’autre part que les 4 couples défavorables sont rattachés par moitié à chacune des deux syllabes les moins nettement positives par leur ambivalence : le 2, RA (Feu) et le 4, TSA (Air). Nous constatons également que les combinaisons de RA et de TSA (24 et 42) sont favorables, comme lorsque en mathématique, en multipliant un nombre négatif par un autre nombre négatif on obtient un nombre positif.

4. LA SlGNIFICATION DES 36 ARCANES

J’indique en majuscules le mot le plus signifiant du résultat global de bonheur ou d’épreuve de la carte, précédé du signe + ou -, et précise ensuite l’état ou les activités lui correspondant avec les nuances nécessaires. Je néglige ici certains domaines spécifiques, dont la santé, pour lesquels le lecteur pourra se reporter à la fiche détaillée. Je pense être resté fidèle à l’esprit de la carte, tout en utilisant un langage plus direct que la traduction littérale du tibétain.

A. Les 6 types purs (syllabe identique redoublée).

Lorsque les deux syllabes sont identiques, les significations exotériques et ésotériques sont identiques.

Voici la signification synthétisée de ces types purs :

11. AH AH. Le ciel immaculé : + BONHEUR EQUANIME.

L’esprit complètement purifié et établi dans l’équanimité et la vacuité entraînant toute absence de peur.

Il n’y a pas d’obstacle à l’accomplissement de ses buts, mais les choses peuvent se faire lentement.

22. RA RA. Ajouter de l’huile sur les flammes brûlantes : + BONHEURJOYEUX.

Croissance et buts atteints rapidement. Activités de contrôle accomplies aisément et correctement, mais travaux mal planifiés. Activités liées à la terre et à l’eau inauspicieuses. Actes vertueux.

Mise en valeur de la beauté corporelle.

33. PA PA. L’océan de nectar : + PROSPERITE.

Accroissement illimité des biens et des aides des autres, réconciliation avec les anciens ennemis. Aides et réussite pour l’accomplissement des projets. Activité touchant à l’eau bénéfique.

Activités paisibles très positives. Engagements, mariages et travaux touchant au feu pas très bons ; danger de renforcer l’attachement à travers des rencontres.

44. TSA TSA. La banderole de la renommée : + RENOMMEE.

Réussite stable, succès dans l’achèvement de ses buts et renommée.

La fortune s’accroît ; mais seules de petites choses seront accomplies.

Arrangements rapides.

Voyager et repousser sont efficaces.

Il y a des bagarres avec les ennemis, menant à la victoire.

Difficultés pour activités de terre et d’eau.

55. NA NA. Le château en or : + RESSOURCES.

Emerveillement devant les vastes richesses et aides stables : trésor inépuisable.

Vœux solides et souhaits exaucés.

Entreprises de relations et travaux rapides excellentes.

Les ressources appellent les ressources.

Activités instables (déplacements, requêtes) et actes destructeurs défavorables.

Risque de délai et de retard.

66. DHI DHI. La bannière de victoire (sertie de joyaux) : + REUSSITE (victoire).

Toutes les tâches sont aisées et vraiment réussies.

La réussite est garantie en faisant comme on veut.

Chance et bonne fortune.

Résultats excellents dans toute activité souhaitée.

De grands résultats sont obtenus en s’en remettant à une puissance supérieure exauçant les souhaits.

Les désirs sont parfaitement satisfaits au-delà de tout espoir.

Grandes réalisations spirituelles claires et lumineuses et accumulation de mérites ; étude de la logique.

B. Les 15 couples de syllabes opposées.

Il est dit traditionnellement que l’ordre des syllabes a une importance.

Par exemple, si la syllabe AH apparaît la première dans la combinaison, la réponse est seulement médiocre. Si elle apparaît en second, il n’y aura pas d’obstacle par rapport à la recherche. La syllabe AH est toujours bonne pour la guérison d’une maladie.

Si la syllabe DHI apparaît en premier dans la combinaison, le présage est positif (équanimité, continuité sans obstacle, mariages ou engagements favorables, vraisemblable résolution favorable de la question, croissance… selon la seconde syllabe). Si la syllabe DHI apparaît en second dans la combinaison, ce n’est pas mauvais et la propitiation des divinités permettra la réussite.

En présentant le résumé de la signification des arcanes en plaçant côte à côte les arcanes comprenant les mêmes syllabes mais en position inverse entre la première et la seconde, on constate un lien important dans leur sens.

12. AH RA. Les rayons (enflammés) du soleil : + CONSCIENCE CLAIRE.

On laisse l’obscurité et tout s’éclaire de façon limpide. Intelligence, savoir et contemplation se développent.

Le sens du projet est clairement connu. Les projets tournent bien si on n’a pas de doutes.

Les résultats concernant l’élément terre sont légèrement mauvais.

21. RA AH. La lampe brillante : + CONSCIENCE LUCIDE.

L’esprit très lucide excelle malgré des problèmes sans gravité dus au karma.

Faites comme vous l’entendez, le succès est assuré.

La famille et les biens vous sont favorables, et les ennemis, lointains, ne peuvent nuire.

13. AH PA. Les rayons de nectar de la lune : + JOUISSANCE PAISIBLE.

On jouit des objets des sens et… le nombre des enfants augmente. Le bonheur et les petites choses s’accroissent.

Des succès dans l’accomplissement des activités paisibles et douces, vertueuses et d’accroissement sont assurés ; c’est aussi bon pour tout travail en rapport avec les femmes.

Mais il n’y a aucun effet pour activités violentes ou de pouvoir, et c’est mauvais pour celles liées au feu.

L’esprit vertueux et les qualités se développent.

31. PA AH. Le vase de nectar : + REUSSITE PAISIBLE.

Les tâches paisibles sont accomplies sans obstacle et ont une bonne et heureuse issue ; tout va bien.

Par contre les activités touchant au poison n’ont aucun succès.

Il peut subvenir quelques tumultes avec les proches et des personnes paisibles. Mais les ennemis ont l’esprit paisible et ne créent aucun ennui.

On reçoit des bienfaits, et sur le plan spirituel on goûte au parfum d’immortalité.

14. AH TSA. L’étoile brillante : + BONS RESULTATS.

De bons résultats sont obtenus en travaillant avec diligence et une attention, nécessitée par une certaine agitation mentale sans grande gravité ainsi que par un léger trouble venant d’un excès de pensées. On reçoit de bonnes nouvelles.

De bons résultats sont aussi obtenus dans des déplacements et des actes de charité.

Les entreprises liées à l’eau sont cependant un peu défavorables.

41. TSA AH. L’ombrelle blanche : + BONNE FORTUNE.

Les conditions sont bonnes, la bonne fortune s’accroît et on reçoit de bonnes nouvelles.

On parcourt sans danger toute voie que l’on désire. Les buts sont parfois atteints, mais des obstacles peuvent empêcher le projet d’aboutir.

Nous pouvons être troublé par nos propres idées et notre propension à conceptualiser. Nos décisions peuvent ne pas être effectives et les promesses d’autrui ne sont pas suivies de résultat.

15. AH NA. La terre d’or : + LES LENTS FRUITS DU TRAVAIL.

Le travail sérieusement accompli porte des fruits excellents et très stables, mais l’accomplissement du projet prendra du temps. L’avenir à long terme est bon mais assez long à se réaliser.

L’intention de rester dans son propre lieu est ferme ; il faut continuer au même endroit ; en y restant la base devient solide.

L’élément Terre est tellement fort qu’il exclut les autres: : l’Eau et la Terre ne conviennent pas ; les activités liées à l’élément Air (l’envoi de nouvelles…) sont défavorables.

51. NA HA. La montagne d’or : + STABILITE.

La carte exprime de façon bonne et auspicieuse une fermeté, une stabilité immuable et solide dans la vie, le pouvoir de la force et la régularité.

C’est excellent pour toute activité stable entreprise sur une fondation stable, en acceptant des délais pour les déplacements comme pour la réussite.

16. AH DHI. La note du Vajra : + DEVELOPPEMENT DE L’INTELLIGENCE.

Développement plaisant de l’intelligence qui progresse par l’étude des sciences, des arts et des écritures bouddhistes.

Chance de bonheur, bonheur, bonnes nouvelles.

Les buts se réalisent selon vos souhaits ; c’est particulièrement favorable pour les activités paisibles liées aux femmes.

61. DHI AH. L’apparition de Manjushri : + GRANDIR DANS LA SAGESSE.

On étudie les enseignements bouddhistes. La sagesse primordiale transcendante de pure lucidité s’accroît au-delà de toute tromperie et accomplit l’excellence.

Les conditions sont bonnes, fermes et sans obstruction. L’amitié augmente et tous les ennemis viennent à vous avec respect. Les aides viennent et le projet s’accomplit ; tous les vœux sont réalisés.

Le bonheur intérieur augmente.

23. RA PA. Le Démon de la mort : – DESTRUCTION.

En raison d’importants obstacles (intentions mauvaises, obstructions, impossibilités d’accomplissement…) les buts ne seront pas atteints, toute activité est vouée à l’échec, à la destruction et à la mort. On ne trouve sur sa route ni ami, ni gain, mais seulement des ennemis ; l’alcool et les drogues physiques et mentales sont particulièrement nuisibles. Il faut reporter à plus tard tout effort en vue de les mener à terme. Seules les activités destructrices (chasse, fabrication de poisons…) réussissent.

32. PA RA. La fontaine (asséchée) : – TARISSEMENT.

Comme le symbole le montre, il y a tarissement aussi bien en ce qui concerne les possessions qui déclinent que le bonheur qui diminue.

On est indécis et dans la confusion, avec des intentions, des méthodes et un planning mauvais. On commence la tâche, mais il est difficile d’obtenir de bons résultats ; il n’y a pas de problème dans l’avenir proche, mais l’issue à long terme est plutôt défavorable ; si quelque chose est obtenu, le résultat en sera médiocre, ne durera pas et ne sera d’aucun bénéfice.

Aucun bienfait n’arrive des amis, et de nombreux ennemis plus importants que l’on ne croit, peuvent nuire. Le moment est défavorable pour se faire des relations et pour changer de lieu.

24. RA TSA. Le Pouvoir Roi : + POUVOIR.

Accroissement de pouvoir et de force, augmentant spontanément en soi, comme le feu de forêt attisé par le vent.

Ayant la force rugissante des lions courageux, les activités violentes et de sommation vous sont recommandées. Tous les souhaits se réalisent et tous les projets et tâches sont accomplis ; vous êtes vainqueur sur tous les ennemis ; les biens se multiplient ; rien ne saurait vous nuire.

Par contre, une activité concernant l’élément Eau ne donne que de médiocres résultats.

42. TSA RA. La grande arme embrassée : + SOUMETTRE.

Il s’agit de soumettre les autres en étant investi. ” Soumettez Mara ” (le démon du mal) ; vous obtenez la réussite victorieuse des actions courroucées.

Tous les ennemis et les forces négatives gênantes sont détruits ou gardés sous contrôle avec commisération.

Les projets s’accomplissent ; les possessions sont obtenues par la force ; la réussite est atteinte par les éléments du Feu et de l’Air.

Les travaux liés à la Terre et à l’Eau rencontrent des difficultés.

25. RA NA. L’arbre desséché : – ABSENCE DE FRUIT.

L’esprit est perturbé, en particulier par l’attachement et par une multitude de souhaits rendant difficile de tous les accomplir. Ces souhaits, influencés par autrui, entraînent des activités illusoires et sans essence.

Il n’y a pas de faute pour le moment, mais l’avenir est médiocre ; il est difficile de voir les résultats achevés ; le Feu s’embrasse soudainement, rendant ardue la réalisation des objectifs. On ne voit pas venir de résultat et de fruit, et les désirs non satisfaits sont cause de souffrance.

On n’a pas d’amis ni de ressources ; les ennemis sont bénins mais peuvent causer de grands maux.

Il est opportun de reporter toute tâche.

52. NA RA. Le démon du fils divin : – CONSUMATION.

Cette carte de mauvaise augure montre une situation semblable au feu qui détruit une maison et laisse tous les biens en cendres.

On est consumé par le poison des vues fausses et le feu du désir.

Face à l’instabilité, aux attaques des ennemis et à de grands obstacles, on n’atteint pas son but, et on souffre.

Par contre, conditions excellentes pour des activités non vertueuses.

26. RA DHI. La porte des visions auspiscieuses : + AMI BENEFIQUE.

On suit les conseils bénéfiques d’un ami sûr (il n’y a pas d’ennemi) et l’oeil de la sagesse transcendantale s’ouvre.

Alors, en les appliquant assidûment, les succès suivront : tout est bien, la fortune s’accroît et la qualité de vie est bonne.

62. DHI RA. Le nœud infini : + HARMONIE AMICALE.

Les intentions sont appropriées et couronnées de succès, obtenus dans la joie pour la famille comme pour les biens. Le projet s’accomplit et les aides viennent ; les souhaits sont exaucés et les progrès visibles en agissant comme on le sent. L’aspiration est amicale. Les résultats sont harmonieux, pleins de tranquillité et de bonheur ; c’est un spectacle agréable et merveilleux

34. PA TSA. Le démon des perturbations : – PERTURBATION.

Le mental est confus, troublé, agité.

Les ennemis attaquent et portent tort par la médisance, les luttes, bagarres et querelles.

Il y a de grands obstacles et troubles, et la tâche est difficile à accomplir.

Le résultat est défavorable, le malheur s’abat sur chacun de nos souhaits, et le bonheur est détruit, comme la terre est emportée par l’océan.

Seules les actions malfaisantes aboutissent.

43. TSA PA. Vide d’intelligence: – DISPERSION.

Le mental, très agité, instable, est dispersé en morceaux ; les pensées sont vides ou trop axées vers un but insignifiant.

Les perturbations mentales sont aggravées par une relation avec mauvais amis dont il faut se séparer. Celui qui devient hostile ; il vaut mieux ne pas avoir de dispute en en restant éloigné et en lui donnant l’argent qui lui est utile ; il y a un grand danger de séparation familiale.

Les biens en nos mains s’écoulent comme de l’eau.

Les conditions sont mauvaises et les activités souillées, rendant difficile l’accomplissement de nos souhaits.

35. PA NA. Le lotus d’or : + MOISSON SANS EFFORT.

Nos projets s’accomplissent graduellement, et même s’ils ne sont pas très positifs à présent, la situation s’améliorera peu à peu. Tout but est atteint, de façon excellente, par une moisson sans labour.

On reçoit de grands bienfaits et nos possessions augmentent. Le bonheur s’accroît.

On est utile à de nombreuses personnes par nos intentions vertueuses et nos enseignements bénéfiques du Dharma.

53. NA PA. Le vase précieux débordant : + PROSPERITE.

Prospérité semblable à celle venant de la vache qui exauce tous les souhaits.

Les ressources s’accroissent.

Les amis reviennent et il n’y a ni voleur, ni ennemi, ni aucun esprit malfaisant, bien que quelque chose ressemblant à une arnaque de leur part puisse arriver.

Les conditions favorables et les détériorations éliminées, permettent de rattraper le retard et d’accomplir le projet avec succès.

Le bonheur croît et on atteint un état positif de bonheur matériel et spirituel où l’on demeure heureux et satisfait.

36. PA DHI. La médecine de nectar : + BIENFAIT.

Tout ce que l’on souhaite sera accompli. La tâche est menée à bien avec l’aide des autres de façon agréable ; les gains et les possessions s’accroissent grandement. Le bonheur augmente en recevant tous ces bienfaits.

63. DHI PA. Le poisson femelle en or : + CHANCE.

On fait son possible, avec souplesse, en accord avec ses buts et on mûrit son projet en temps voulu. Les perspectives sont bonnes et les buts sont favorables, bons et tranquilles et aboutiront, la chance souriant.

Les amis augmentent en grand nombre et les ennemis ne peuvent vous nuire.

Progrès spirituels réalisés.

Le bonheur s’accroît.

45. TSA NA. Mara, le démon des agrégats : – ECHEC.

De grands obstacles pour tout : famille, possessions, vie, amis…

On est en danger d’être perturbé par des impuretés.

Malgré une grande agitation rien n’aboutira.

C’est défavorable pour tout, sauf pour la tromperie.

54. NA TSA. la montagne de sable éparpillée : – DISSOLUTION.

Les perceptions mentales sont perturbées et agitées, en raison d’une accumulation de décisions et d’actions erronées et stressantes.

On subit de grands changements destructeurs et on vit un appauvrissement continu.

Les biens accumulés diminuent grandement et la prospérité est attaquée par des ennemis.

Il est malaisé d’achever ses buts, dispersés comme de la poussière éparpillée au vent, et si ont les atteint, aucun bienfait n’en résulte.

Toute activité est inefficace, sauf les travaux de destruction.

46. TSA DHI. La maison des bonnes nouvelles : + BONNES NOUVELLES.

La communication et les relations sont bonnes. Les bonnes et joyeuses nouvelles se répandent.

Nos intentions sont bonnes et notre activité spirituelle et transcendante croît.

Un bon travail est accompli, réglant les affaires, avec un succès rapide et même immédiat, la réussite comblant nos désirs.

64. DHI TSA. La conque blanche : + CELEBRITE.

La renommée s’accroît avec de bonnes nouvelles claires, et nos pensées deviennent célèbres malgré un esprit un peu agité et perturbé.

La fortune s’accroît.

On réussit ses projets en faisant comme on l’entend ; les autres sont d’accord avec nous et nos désirs s’accomplissent.

56. NA DHI. Le trésor de joyaux : + PROSPERITE INEPUISABLE.

La prospérité est parfaite et inépuisable : il suffit d’ouvrir la porte du trésor.

Il y a stabilité sur le plan familial et réalisation spirituelle.

Tous les souhaits seront exaucés avec succès, à long terme, de façon ferme et excellente.

65. DHI NA. La roue en or : + PROSPERITE SANS EFFORT.

Il y a prospérité et bien-être, avec l’étonnement d’avoir la chance d’obtenir un trésor sans effort.

Les amis augmentent et les ennemis sont sous votre contrôle. Les projets s’accomplissent bien malgré un certain retard, avec une réussite stable à long terme.

Tableau résumé du sens des 36 arcanes

11. AH AH, Le ciel immaculé : + BONHEUR EQUANIME.

22. RA RA, Ajouter de l’huile sur les flammes brûlantes : + BONHEUR JOYEUX.

33. PA PA, L’océan de nectar : + PROSPERITE

44. TSA TSA, La banderole de la renommée : + RENOMMEE.

55. NA NA, Le château en or : + RESSOURCES.

66. DHI DHI, La bannière de victoire sertie de joyaux : + REUSSITE (victoire).

12. AH RA, Les rayons enflammés du soleil : + CONSCIENCE CLAIRE.

21. RA AH, La lampe brillante : + CONSCIENCE LUCIDE.

13. AH PA, Les rayons de nectar de la lune/ + JOUISSANCE SENSORIELLE.

31. PA AH, Le vase de nectar : + REUSSITE DES ACTIVITES PAISIBLES.

14. AH TSA, L’étoile brillante : + BONS RESULTATS.

41. TSA AH, L’ombrelle blanche : + BONNE FORTUNE

15. AH NA, La terre d’or : + LES LENTS FRUITS DU TRAVAIL.

51. NA HA, La montagne d’or : + STABLITE.

16. AH DHI, La note du Vajra : + DEVELOPPEMENT DE L’INTELLIGENCE.

61. DHI AH, L’apparition de Manjushri : + GRANDIR DANS LA SAGESSE.

23. RA PA, Le Démon de la mort : – DESTRUCTION.

32. PA RA, La fontaine sans source : – TARISSEMENT.

24. RA TSA, Le Pouvoir Roi : + POUVOIR.

42. TSA RA, La grande arme embrassée : + SOUMETTRE.

25. RA NA, L’arbre desséché : – ABSENCE DE FRUIT.

52. NA RA, Le démon du fils divin : – CONSUMATION.

26. RA DHI, La porte des visions auspiscieuses : + CONSEIL BENEFIQUE.

62. DHI RA, Le nœud infini : + RESULTATS HARMONIEUX.

34. PA TSA, Le démon des perturbations : – PERTURBATIONS.

43. TSA PA, Vide d’intelligence : – DISPERSIONS.

35. PA NA, Le lotus d’or : + MOISON SANS EFFORT.

53. NA PA, Le vase précieux débordant : + PROSPERITE.

36. PA DHI, La médecine de nectar : + BIENFAIT.

63. DHI PA, Le poisson femelle en or : + CHANCE.

45. TSA NA, Mara, le démon des agrégats : – ECHEC.

54. NA TSA, La montagne de sable éparpillée : – DISSOLUTION.

46.TSA DHI, La maison des bonnes nouvelles : + BONNES NOUVELLES.

64. DHI TSA, La conque blanche : + CELEBRITE.

56. NA DHI, Le trésor de joyaux : + PROSERITE INEPUISABLE.

65. DHI NA, La roue en or : + PROSPERITE SANS EFFORT.

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