La Méditation de shiné

Science de l’esprit – La méditation de shiné

Lama Guendune Rinpoché

Le propos de la pratique de la méditation est d’atteindre à une vision directe de la nature de l’esprit. Afin d’y parvenir, le méditant doit tout d’abord acquérir un certain contrôle de son esprit, et être capable d’en apaiser les perturbations et de le maintenir en l’état de calme mental.
C’est le but de la pratique de Shiné {en. sanskrit, samatha), première étape du chemin de la méditation. Dans le texte : ” L’océan du sens certain “, du 14ème Karmapa Tek Tchok Dorjé, on trouve cette définition ; Zhi : (paix) pacification des émotions. Nés : (demeurer) établi en cet état.
C’est en s’appuyant sur ce texte que Guendune Rinpoche a donné l’enseignement qui suit.

Les conditions du succès

Lama Guendune

Pour pratiquer Shiné et Lhaktong, (la vue pénétrante : l’étape suivante sur le chemin de la méditation, la stabilisation de l’esprit servant de tremplin pour voir directement la nature de l’esprit), on doit commencer par prendre le contrôle de l’esprit. A cet effet, on s’appuie sur les 4 préliminaires spéciales, qui sont les conditions nécessaires du succès.

La première est dite causale car elle est l’élan de base qui permet de méditer. La seconde est appelée principale car elle est la plus importante. Ensuite vient la condition mentale qui traite des vues de base de la méditation enfin, la condition immédiate, ainsi nommée car elle intervient au moment même de la pratique de la méditation.

La condition causale

Elle consiste à se libérer de la saisie des choses comme réelles et à être sans attachement ; pour cela il est nécessaire de rejeter complètement l’activité mondaine. La progression vers cet état fait l’objet des préliminaires ordinaires qui permettent d’apprécier la valeur de cette vie humaine et la difficulté qu’il y a à l’obtenir.

A travers la méditation sur l’impermanence, on en vient à comprendre que cette vie finira tôt ou tard – quand, on ne peut le prédire – qu’elle est comme la rosée du matin et qu’après notre mort seul le Dharma pourra nous venir en aide. Par cette réflexion on reconnaît l’inutilité d’amasser la richesse et les possessions matérielles et de s’efforcer de garder ses amis et d’attaquer ses ennemis. Par contre, en concentrant son esprit sans distraction sur des choses qui ont un sens pour les vies futures, on discipline son caractère, on gagne une compréhension de ce que représente le samsara et une véritable renonciation se fait jour.

Lorsque notre seule préoccupation est devenue l’atteinte de l’Illumination, nous devenons sans une ombre d’attachement et de saisie et toute activité mondaine ordinaire se révèle superflue. Même en ce qui concerne le Dharma, des activités telles qu’écouter de nombreux enseignements, débattre et discuter ou pratiquer de nombreux rituels ou récitations de mantras, devraient être abandonnées pour se retirer dans un endroit isolé où on se livrerait uniquement à la méditation sans être concerné par aucune autre activité.

Pourquoi devons-nous agir ainsi ?

Pour connaître un état de méditation authentique, il est nécessaire de discipliner son esprit ; si nous sommes constamment agités extérieurement et intérieurement, la méditation pure et parfaite ne peut se développer.

La condition principale

Le chemin suprême conduisant à la réalisation du Mahamoudra repose entièrement sur la grâce du lama, par conséquent on doit se relier fermement à un ami spirituel parfait. Il en est quatre sortes :
le lama de lignée, le lama tel qu’il est décrit par les instructions du Bouddha, le lama symboliquement représenté dans la manifestation et le lama ultime.


Le lama de la lignée

Le 1er Karmapa

C’est celui qui est dépositaire des instructions orales et des méthodes de méditation d’une lignée authentique qui prend sa source dans le Dharmakaya Dorjé Chang et s’est perpétuée en une continuité ininterrompue jusqu’à ce jour. L’influence spirituelle véhiculée par la lignée ne doit pas avoir été altérée, les liens sacrés doivent avoir été maintenus intacts, de sorte que la bénédiction se transmette à travers tous les membres de la lignée de façon continue comme les perles d’un rosaire réunies par un fil d’or tout comme l’eau d’un vase est complètement et entièrement transvasée dans un autre, sans qu’une seule goutte soit perdue.

Un tel lama, lui-même complètement réalisé, est à même de transmettre cet héritage à son disciple, lui permettant de l’expérimenter et de le réaliser lui-même. Ce n’est que par le lama de lignée que peut s’embraser la flamme de l’expérience chez le disciple, comme on allume une bougie à une autre.

Le lama doit aussi être capable de faire naître la sagesse et la connaissance chez les autres par sa vision de la réalité ; il doit savoir que c’est sur la base de la pensée conceptuelle que la connaissance véritable peut être atteinte, par la reconnaissance que les pensées sont des alliés à transformer en sagesse ; il doit pouvoir également transformer en énergies bénéfiques toutes les circonstances défavorables, les forces obstructrices, les obstacles, etc., qui peuvent survenir.

Toute l’illusion vient de la non-reconnaissance de la pensée conceptuelle. Connaissant sa nature, nous réalisons qu’elle est sagesse et qu’elle peut nous aider à progresser sur le chemin jusqu’à ce qu’aucune illusion ne demeure. Celui qui ne s’attache pas aux concepts mais les connaît comme étant la sagesse primordiale, n’est jamais limité par l’univers : il est pareil à une étincelle qui tourbillonne dans le ciel, II faut se mettre en quête d’un lama possédant de telles qualités et, quand on l’a rencontré, avoir pour seule préoccupation la foi et la dévotion qu’on lui témoigne, et s’en remettre a lui complètement.

Un tel être est celui que Naropa appelle “un lama authentique détenteur de lignée”.

Le lama tel qu’il est décrit par les instructions du Bouddha

Quand on a reçu des explications orales et les instructions pratiques du lama, on peut développer la confiance véritable. Il est alors possible de confronter ses propres expériences et les instructions du lama avec l’enseignement du Bouddha tel qu’on le trouve dans les textes et les commentaires toujours avec un grand respect de ce qui y est dit. Ainsi, on peut continuer la pratique en accord avec la compréhension acquise. “D’abord, s’en remettre au lama ; puis s’appuyer sur les textes”, c’est-à-dire : d’abord demander au lama les instructions, puis les mettre en pratique, enfin consulter les textes pour voir si l’expérience de la méditation correspond à ce qu’ils décrivent. Il est alors possible de revenir poser des questions au lama pour poursuivre la méditation en accord avec sa réponse.

Le lama symboliquement représenté dans la manifestation

Chaque fois que l’on est en contact avec l’élément terre, on doit se rappeler que, puisque le lama est la sphère des phénomènes, le support qui permet le développement de toutes les qualités, à cet égard il est comme la terre. De cette façon, l’élément terre peut nous aider à progresser le long du chemin.

L’eau nous rappelle le flot continu de son activité ou “l’humus” de son amour et de sa compassion. C’est l’eau comme ami spirituel.

Par la force du souffle de l’expérience et de la réalisation du lama, nos émotions perturbatrices et notre ignorance sont purifiées, comme le vent balaye la poussière.C’est le vent comme ami spirituel.

Libre de tous les voiles de ce qui est ou ce qui n’est pas, le Dharmakaya omnipénétrant ; ainsi le ciel devient un ami spirituel.

Une telle approche nous révèle que tous les éléments et les composés de ces éléments peuvent être reconnus comme le lama et qu’alors l’expérience de la manifestation devient l’expression symbolique du lama.

Le lama ultime

Lorsque le lama nous a montré notre esprit comme étant le Dharmakaya, puis, qu’en ayant eu la vision directe, nous stabilisons cette expérience, alors cette réalisation de la nature de la réalité devient notre lama ultime.

De ces 4 lamas, le plus important est le lama de lignée ; ce n’est que lorsqu’il nous a montré la réalité sans erreur que nous pouvons cheminer vers la réalisation.

La condition mentale

Ne développez pas d’idées fixes sur l’esprit et la méditation, telles les idées associées aux différentes écoles de pensée. S’attacher à un point de vue particulier, le développer et le défendre empêche de voir la véritable réalité du Mahamoudra. Le Mahamoudra ne contredit aucun point de vue, plutôt il les englobe tous : C’est la réalité originelle du Dharmakaya, sans faille, parfaite, transcendant toute relativité, l’esprit essentiel libre de projections, la sphère de manifestation telle qu’elle est réellement. C’est la confiance en cela qui est nécessaire, car c’est cela dont nous avons besoin pour pratiquer. A travers une telle pratique, nous réalisons que toutes les pensées sont la manifestation de l’esprit lui-même, et, loin de les abandonner, nous les réalisons comme étant les 4 Kayas : pratiquer ainsi est la condition mentale.

La condition immédiate

Lorsque l’on pratique la méditation du Mahamoudra, on ne doit pas penser : ” Je devrais méditer comme cela et non comme ceci ; faire cela et non ceci, etc.” Elle doit être approchée l’esprit ouvert et surtout sans aucun espoir de méditer ” bien ” , ni aucune peur de l’échec.

Libre de telles projections, détendu, l’esprit reposant en lui-même, telle est la condition immédiate du succès.

LES ATTITUDES ESSENTIELLES DU CORPS ET DE L’ESPRIT

Attitudes essentielles du corps

” Lorsque le courant des énergies est stabilisé de façon juste dans le corps, la réalisation s’élève dans l’esprit “.

Une fois acquis le contrôle de l’esprit par la pratique des 4 conditions nécessaires au succès, le méditant en vient au cœur de la pratique de stabilisation de l’esprit.

Tout d’abord, il lui faut apprendre les points essentiels de la posture physique puis recevoir les instructions concernant les bases de l’attitude mentale à appliquer lors de la session de méditation.

La posture physique spécifique à la pratique de Shin-eh est appelée ” Posture en 7 points”, qui se détaille ainsi :

1. Les jambes doivent être croisées dans la position du lotus complet.

2. Les mains, paumes en l’air, reposent à 4 doigts sous le nombril dans le ” geste de la méditation” . Les pouces pressent la base de l’annulaire ; les mains sont pliées au niveau du poignet et exercent une légère poussée sur le dessus des cuisses, à la jonction des jambes et du tronc.
Ceci est dû à la présence des ” veines ” d’énergies subtiles cheminant dans le corps qui véhiculent le flux des perturbations émotionnelles.
En prenant la posture correcte, la circulation des énergies se trouve empêchée par l’obstruction réalisée sur les ” veines “, opérant un effet similaire sur l’esprit et permettant de connaître une méditation libérée des influx émotionnels. Deux points importants de ces canaux d’énergie sont localisés, l’un à la base de l’annulaire, et l’autre à la jonction des cuisses et du tronc.
Les bras doivent être tendus, les coudes rentrés de façon à ce que la partie supérieure du bras soit tournée vers l’extérieur et que l’avant-bras soit dirigé vers l’intérieur, comprimant ainsi les côtés de la cage thoracique où circulent d’autres ” veines “. Afin de permettre au corps de supporter l’extension des bras, il est d’usage d’utiliser un coussin de méditation dont l’épaisseur doit être celle d’un poing.

3. Les épaules doivent être comme les ailes d’un vautour, c’est-à-dire haussées droit et vers l’extérieur, ni voûtées tombantes vers l’avant, ni tirées en arrière.

4. La gorge doit former un crochet ; le menton rentré vers le larynx sur un plan parfaitement horizontal, sans laisser la tête pencher vers l’avant ou l’arrière. Ceci comprime le flux énergétique des 2 “artères” situées de chaque côté du cou.

5. La colonne vertébrale doit être dressée comme une flèche, c’est-à-dire que l’on doit s’assurer que le dos est complètement étiré, ne pouvant ainsi pencher d’un côté ou de l’autre ni s’incliner vers l’avant ou l’arrière. En pratique, cela provoque un mouvement de la poitrine vers l’arrière alors que l’abdomen vient vers l’avant.

6. Les yeux doivent être mi-clos, le regard dirigé vers le bas à 4 doigts de la pointe du nez, sans cligner, ni errer alentour.

7. La mâchoire doit être détendue, les lèvres ni écartées ni pressées l’une sur l’autre, la langue reposant contre le palais, ce qui ralentit la sécrétion salivaire.

(Note du traducteur : II est conseillé de se faire démontrer la posture auprès d’une personne qualifiée plutôt que d’essayer par soi-même.)

Si l’on parvient à verrouiller le corps dans cette posture, la stabilité mentale apparaît et le mouvement désordonné des pensées cesse automatiquement ; exactement comme lorsque l’on ferme à clé la porte d’une maison, personne n’y pénètre.

Une fois l’esprit dissous en l’état non-conceptuel, on en vient à réaliser la Sagesse Primordiale Née d’Elle-même, la Vision Pénétrante (Lhaktong) ; mais pour qu’il en soit ainsi, il est nécessaire d’avoir un esprit stable, ce qui est le fruit de la posture.

Dans la position complète, le corps est complètement étiré et il en est de même pour les ” veines ” d’énergies subtiles, ce qui amène ces énergies à se rassembler dans l’Artère Centrale avec pour effet la stabilité et le contrôle de l’esprit. Ces énergies subtiles sont les ” montures ” chevauchées par les pensées ; donc contrôler ces énergies revient à maîtriser les pensées et stabiliser l’esprit. Ceci est appelé utiliser l’énergie subtile pour contrôler l’esprit.

II est également possible d’utiliser l’esprit pour contrôler l’énergie subtile avec le même résultat : en laissant reposer l’esprit dans son état non façonné, le mouvement des pensées s’apaise de lui-même, les courants d’énergies subtiles se regroupant en la Veine Centrale. Ces 2 méthodes jouant de l’interdépendance de l’esprit et des énergies subtiles furent introduites par Saraha et Naropa.

Pourquoi est-il nécessaire que les jambes soient dans la posture du plein lotus ?

Dans cette position, le “souffle descendant-évacuant” se rassemble en l’Artère Centrale empêchant l’apparition des émotions liées à la jalousie de troubler la méditation.

De même, la position des mains dans le geste de la méditation – 4 doigts sous le nombril – permet aux énergies subtiles liées à l’élément eau, de se rassembler en la Veine Centrale, pacifiant ainsi la colère.

Le dos dressé comme une flèche et les épaules comme les ailes d’un vautour rassemblent en l’Artère Centrale les énergies subtiles liées à l’élément terre, prévenant la torpeur.

Le cou en crochet provoque le rassemblement des énergies de l’élément feu, calmant ainsi le désir.

Le regard dirigé vers le bas, sans cligner, à 4 doigts de la pointe du nez, et la langue reposant contre le palais, recentrent l’énergie subtile de l’élément vent, apaisent l’orgueil et aiguisent l’attention.

Ainsi la clé de l’esprit, ce sont les énergies subtiles ; la clé des énergies subtiles, ce sont les ” veines ” dont le contrôle dépend de la position des yeux c’est donc le point primordial : Lorsque l’on apaise l’esprit par la pratique de la méditation de Shiné, le regard est dirigé vers le bas, de façon détendue, aidant ainsi à stabiliser l’esprit. Pour la pratique de la méditation de la vision pénétrante (Lhaktong), les yeux regardent directement en face (sur un plan horizontal). Dans la méditation du Mahamoudra où l’on identifie l’esprit avec l’infinitude de l’espace, le regard est tourné vers le ciel.

Par l’observance de ces 7 points de la posture physique, les 3 poisons mentaux disparaissent automatiquement. L’aspect fondamental de cette posture est le regroupement de toutes les énergies subtiles en l’artère centrale stoppant tout processus conceptuel et laissant l’esprit dans un état de clarté et de non restriction en lequel les expériences de la réalisation peuvent se manifester rapidement.

Lorsque le corps ne peut conserver la posture, soit qu’il se voûte, soit qu’il penche, les pensées envahissent l’esprit et le méditant en perd le contrôle. Ainsi, si le corps s’incline vers la droite, le pratiquant connaît tout d’abord une clarté de la méditation, qui va se trouver rapidement remplacée par l’émotion de la colère et l’on s’expose à la menace des démons royaux.

Si le corps a tendance à pencher vers la gauche, apparaît une expérience initiale de Félicité qui se transforme très vite en désir violent et l’on tombe sous l’influence des démons féminins et nagas.
Courbé vers l’avant, le dos s’arrondit et forme une bosse ; il s’élève tout d’abord une qualité de non conceptualité qui laisse place à la torpeur, donnant prise a l’activité des influences négatives des divinités de la terre, etc. En particulier, lorsque l’esprit se détourne de sa méditation pour s’attacher à une situation extérieure – par exemple : si deux personnes tiennent une conversation à proximité du méditant, si celui-ci laisse prise à l’irritation, vont s’élever en l’esprit conscience de soi et colère vers les autres. Ce genre de situation provoque de nombreuses déviations de la méditation causées par la perturbation de l’énergie subtile ” maintenant la vie “.
La tendance du corps à partir vers l’arrière se traduit par une expérience de vacuité spontanée, à laquelle succède l’orgueil, racine de toutes les émotions, et l’on tombe sous l’emprise de tous les types de maras mentionnés plus haut, l’esprit étant très instable, empli de pensées discursives.
Il est donc d’une importance extrême de maîtriser cette posture qui prévient toutes les déviations et développe toutes les qualités de la méditation.

Marpa

Ce que soulignait Marpa :
– “Si l’on faisait une pile de toutes les instructions spirituelles existant au Tibet, mes instructions sur la posture de la méditation la dépasseraient de la tête et des épaules.”

Si la posture se révèle difficile au début, il convient de se familiariser avec et de s’y entraîner progressivement. Dés que vous avez un moment de libre, mettez-vous en position ; commencez par 3 mn, par exemple, puis graduellement, allongez la durée selon vos possibilités, 5 mn, 10 mn et ainsi de suite.

Lorsque l’on parvient à garder la position pendant une longue période, les éléments internes du corps retrouvent leur équilibre : la longévité s’accroît, les maladies antérieures guérissent, celles à venir sont évitées, et par la force croissante des énergies subtiles, le corps se sent bien et à l’aise.

Si les jeunes peuvent s’habituer rapidement à la posture, c’est souvent plus difficile, voire même impossible pour les plus âgés, même avec temps. C’est pourquoi il est conseillé de prendre une position plus facile, l’essentiel étant de garder le dos le plus droit possible. Lorsqu’on ne tient pas la posture complète, il est souvent préférable de diriger le regard en face de soi ou même légèrement relevé : un dos courbé couplé avec un regard plongeant rendent très vite l’esprit sombre et endormi ; garder une vision plus relevée permet à l’esprit de rester frais et conscient.

En pratique, dès que l’on sent l’esprit envahi par la torpeur ou l’assoupissement, il faut relever les yeux et identifier l’esprit avec l’ouverture du ciel ou de l’espace; ceci a pour effet de dissiper la torpeur et ravive la clarté et luminosité de l’esprit.

Une fois l’esprit calme et stabilisé, regardez directement devant vous, il n’est plus nécessaire alors de poser l’esprit par un regard vers le bas ni de le rafraîchir en relevant les yeux. Ne soyez pas rivés à une position des yeux, mais vouloir méditer, et simplement demeurer détendu et sans attachement dans l’ouverture et la clarté.

Une fois la méditation quelque peu affermie, on devrait alors entretenir, sans s’en détourner, la même expérience de la clarté et de la vacuité non référentielles dans notre activité quotidienne. D’abord, on maintient l’expérience le temps d’un repas, d’une tasse de thé, de réciter un OM MANI PADME HOUNG ou de faire trois pas – le temps que l’on peut, avec une attention non distraite. Ensuite, on s’exerce à demeurer dans la clarté et la vacuité quelles que soient les circonstances auxquelles on est confronté, même si l’on se trouve face à des dangers plus ou moins importants.

“Si l’esprit est libre d’interférences, il est lumineux ; si on ne trouble pas l’eau elle est claire .” Gampopa.

En effet, un esprit libre d’attachement et reposant dans son état naturel, sans que lui soit imposée l’idée de méditer, demeurera clair, de la même manière que le soleil brille intensément si aucun nuage ne le voile. En cet instant, nos esprits sont emplis d’anxiété, Pourquoi ? Car nos 6 sens sont obstrués ; si nous pouvions les laisser fonctionner naturellement et sans obstacle, il n’y aurait aucune quête, aucune anxiété, ni aucune frustration, et nous pourrions demeurer libres et détendus dans un état de non-attachement. Donc que vous méditiez ou que vous accomplissiez des tâches quotidiennes, laissez votre esprit détendu, naturel et sans effort.

Qu’est-ce que l’esprit ?

C’est ce qui pense, réfléchit, se souvient, etc. Cependant la nature véritable de l’esprit est au-delà des idées qu’il projette.
Vous ne trouverez pas l’esprit en le cherchant ; vous ne le verrez pas en le regardant ; si vous l’examinez vous n’arriverez à aucune conclusion ; si vous tentez de le saisir. vous ne le tiendrez pas ; si vous voulez le repousser il ne s’en ira pas ; si vous le posez il ne restera pas ; si vous tentez de le combiner il ne se combinera pas , la division ne le divisera pas ; la séparation ne le séparera pas ; vous ne le connaîtrez pas en l’examinant ; vous ne le réaliserez pas en l’expliquant ; il ne peut être démontré par aucun exemple ; il ne peut être réduit par ce que vous mettrez dessus ; quel que soit le nom que vous lui donnez, vous n’aurez pas tort.

De quoi a-t-on besoin pour le réaliser ?

On a besoin de la foi, de la confiance et de la grâce du lama.

Comment peut-on pratiquer ?

Ne chassez pas consciemment les pensées, ne les supprimez pas à dessein ; ne vous maintenez pas de façon délibérée en équilibre méditatif ; n’expulsez pas les idées, ne les poursuivez pas aussitôt que vous en prenez conscience, ne commencez pas à les décortiquer ; extérieurement ne vous attachez pas à la vacuité sans objet comme à quelque chose de substantiel ; intérieurement, ne vous attachez pas au mouvement sans fondement de la pensée comme à quelque chose d’erroné, ne vous laissez entraîner ni par l’apparence ni par la vacuité.

Gardez votre conscience telle quelle et non façonnée, sans attachement à la substantialité : libre d’efforts, fluide, non-née, non obstruée, non obscurcie, sans qu’il ne reste quoi que ce soit d’un objet extérieur ou d’un esprit individuel à l’intérieur.

” Si on relâche la tension qui emprisonne l’esprit, il est sûr qu’on se libérera. “

” Laisse la conscience reposer telle qu’elle est sans la déranger ; le Noble Chemin ne sera jamais parcouru par un esprit artificiel “. Saraha.

Si on laisse reposer l’esprit dans son propre état non façonné, les pensées très actives s’arrêtent, des expériences de clarté et de vacuité apparaissent, on devient attentif à la bonté du lama, on se sent heureux et l’esprit n’est plus préoccupé du samsara ; ce sont les signes que l’esprit est devenu calme et qu’on peut pratiquer Shiné. Au fur et à mesure que la capacité de méditer s’accroît, il devient de plus en plus possible de méditer, le corps et l’esprit heureux et lumineux, et tout est ressenti comme un océan qui à la clarté du cristal et que le vent ne trouble pas ; on n’a plus la conscience du corps, de l’esprit et du monde extérieur comme entités séparées ; et on se sent tellement à l’aise que l’on perd la notion du temps et qu’il devient possible de demeurer en méditation pendant de longues périodes, sans inconfort. Pouvoir s’absorber complètement dans cet état est le samadhi de Shiné.

Garder l’esprit

II existe différentes méthodes qui permettent de maintenir l’esprit dans un état de stabilité : on peut soit utiliser un objet comme point de référence pour l’esprit, soit maintenir la stabilité sans aucun point de référence, ou encore utiliser la respiration comme une aide.

On peut utiliser pour méditer un objet extérieur ou prendre comme support son propre corps ; les objets extérieurs sont appelés purs ou impurs et les objets impurs peuvent être grossiers ou subtils.

S’il s’agit d’un objet impur grossier, asseyez-vous dans la posture correcte, le regard dirigé devant vous. L’objet peut être un pilier, un mur, une colline, etc., ou tout simplement ce qui se trouve dans votre champ de vision à ce moment-là. Laissez votre attention reposer imperturbable et sans distraction sur l’objet, sans suivre aucune des idées qui s’élèvent dans l’esprit ; laissez simplement votre esprit reposer paisiblement et confortablement sur l’objet.

N’essayez pas de considérer sa forme ou sa couleur, mais soyez seulement conscient de sa présence. Il n’est pas nécessaire d’évaluer l’objet comme étant bon ou mauvais, il n’est que la manifestation illusoire de l’esprit ; laissez l’esprit se détendre sur cet objet.

Au cours de longues sessions de méditation, l’objet peut grossir ou rapetisser, devenir lumineux ou tremblotant, ou bien vos yeux se fatiguent et se mettent à couler. Si cela se produit, abandonnez l’objet et relevez les yeux vers le ciel, détendez-vous et laissez votre conscience se fondre dans l’étendue du ciel.

Les objets impurs subtils peuvent être : un caillou, un morceau de bois, tout ce qui est compris entre la taille d’un doigt et celle d’un poing. Disposez l’objet en face de vous dans le point de mire du regard (par exemple sur une tablette) et appliquez votre attention sur l’objet à la fois naturellement et aisément, mais sans distraction, sans que d’autres pensées s’imposent. Dans cette catégorie d’objets de méditation, le préféré de Rinpoché est un verre propre rempli d’eau claire comme du cristal. Placez-le en face de vous, dans le champ de la lumière ; la transparence de l’objet de méditation a un effet très bénéfique sur l’esprit ; lorsque l’esprit s’unifie avec elle, il est possible d’avoir l’expérience spontanée de clarté et de vacuité plus facilement qu’avec des objets plus ternes et plus solides ; on peut ainsi unir complètement corps et esprit dans la clarté lumineuse du verre et de l’eau, ce qui purifie le corps et l’esprit. Il arrive souvent que des personnes qui pratiquent la méditation le fassent en essayant de contenir strictement leur esprit à tel point qu’ils se compriment complètement physiquement. L’utilisation du verre et de l’eau permet de surmonter ce genre de tendance ; quel que soit l’objet qu’on choisît, il est important de ne pas y river le regard car cela ne fait qu’agiter l’esprit.

Laissez plutôt votre esprit s’établir naturellement sur l’objet, sans vous en détourner, ni réfléchir à sa taille, couleur, forme, etc. Il ne faut pas non plus critiquer le processus de la méditation en pensant ; “Je suis en méditation, je ne suis plus en méditation, je ne médite pas bien, etc.” Quand l’esprit peut demeurer stable sur l’objet, laissez-le fondre dans la clarté et vacuité sans plus dépendre de l’objet, ce qui permet d’amener l’esprit à la stabilité sans support: Rappelez-vous que de tels objets n’ont pour but que d’aider à demeurer stable. Par cet entraînement, l’esprit se stabilise sans avoir besoin d’un objet quel qu’il soit.

Pour stabiliser l’esprit au moyen d’un objet pur, on utilise une statue du Bouddha. Il y a d’innombrables avantages à se servir d’un tel support, car pendant une telle méditation, on reçoit les bénédictions du Bouddha qui nous rendent véritablement capables de voir la nature de notre propre esprit.

Placez une statue du Bouddha Sakyamouni sur une table devant vous, à un bras de distance, dans l’angle correspondant à la méditation de Shiné. Si vous n’avez pas de statue, vous pouvez la visualiser. En ce cas, imaginez un trône fait de métaux précieux et serti de Joyaux, soutenu par huit lions des neiges, recouvert de soieries divines, avec dessus une fleur de lotus ; au centre du lotus, un disque de soleil surmonté d’un disque de lune, formant coussins sur lesquels est assis le Bouddha Sakyamouni. Son corps est d’une couleur dorée tellement brillante qu’on peut à peine le regarder. Il a un visage et deux mains ; la main droite dans le geste de toucher la terre symbolise la subjugation des forces obstructrices, la main gauche repose dans son giron, la paume tournée vers le haut, ce qui signifie que son esprit demeure tranquillement en méditation, Son corps porte les 32 marques majeures et les 84 signes mineurs – ce sont par exemple les dessins de la roue à la plante des pieds ou le cercle de poils blancs entre les sourcils. Il porte les trois robes de moine, est assis dans la posture du plein lotus signifiant l’état immuable et ultime, et son corps irradie d’une claire lumière qui pénètre tout l’espace.

Que vous ayez une statue ou que vous visualisiez, vous devez ressentir avec confiance que vous êtes véritablement en face du Bouddha Sakyamouni lui-même ; il a les yeux mi-clos, le regard posé sur vous avec beaucoup d’amour et de compassion. Vous pensez combien fortuné vous êtes de pouvoir vous trouver en présence du Bouddha et de recevoir sa bénédiction. Si vous avez une foi sincère, toutes les préoccupations cessent naturellement et vous restez détendu et tranquille en la présence du Bouddha.

Quand l’esprit devient lourd et somnolent, on doit relever les yeux vers le front du Bouddha. Quand l’esprit est très actif et sauvage, on doit baisser les yeux vers la partie inférieure de son corps : les pieds, le trône et le lotus. Lorsqu’aucun de ces extrêmes ne se manifeste, dirigez simplement votre attention vers le cœur du Bouddha, votre conscience et le Bouddha demeurant indissociablement fondus. Contemplez encore et encore les différentes marques symboliques de son corps et de sa posture ; remémorez-vous sans cesse ses qualités jusqu’à ce que votre foi, respect et dévotion s’embrase comme un feu. Alors son corps change et semble à la fois être fait de lumière et s’agrandir.

Cette lumière vous atteint et transforme votre chair et votre sang en une lumière de même qualité. Votre corps de lumière se fond alors en celui du Bouddha ; la lumière n’est pas jaune mais d’un blanc très pur.

Restez ainsi en méditation pendant quelques temps, l’esprit absorbé dans cette lumière blanche, sans conscience de votre corps physique et sans notion “d’extérieur” et “d’intérieur”. Puis graduellement, la lumière blanche tourne au bleu depuis le centre vers la périphérie, jusqu’à ce que la lumière blanche soit complètement remplacée par cette lumière d’un bleu vif. Vous laissez votre esprit absorbé dans cette étendue bleue sans attachement ni saisie. Par ce moyen, vous passez d’une méditation avec effort (visualisant le Bouddha et la lumière blanche) vers une méditation sans effort et sans support dans laquelle l’esprit repose à l’aise dans son état naturel. Cette méditation vous amènera à expérimenter la Claire-lumière de l’esprit comme base de la manifestation et à en réaliser la nature essentielle comme étant le Dharmakaya : vacuité primordiale, libre de toutes projections mentales.

Accomplissant cette pratique diurne, il devient possible de méditer pendant le rêve et de pénétrer la nature de l’esprit qui rêve. Ceci peut être d’une grande aide pour nous délivrer de l’illusion de l’état post-mortem appelé bardo et pour atteindre l’Illumination. Ici la lumière bleue représente le Dharmakaya et agit comme support de méditation au moment de la mort quand se manifeste une expérience similaire : si on est capable de la reconnaître et si on sait comment méditer à ce moment précis, on peut atteindre l’état de Bouddha instantanément.

On peut également maintenir le calme mental à l’aide d’un objet de méditation situé à l’intérieur de son propre corps. Pensez alors que votre cœur / esprit est une bulle de lumière transparente. Au centre apparaît la syllabe PAM qui se transforme en un lotus de la couleur de la divinité sur laquelle on souhaite méditer. Au centre du lotus se tient la syllabe AH blanche qui se transforme en un disque plat de lune. Sur ce disque apparaît la syllabe-germe de la divinité sur laquelle on a choisi de méditer : pour Tchenrézi, c’est la syllabe HRI blanche ; pour Amitabha, la syllabe HRI rouge pour Dorje Tchang ou Sangye Menla, la syllabe HOUNG bleue, etc. Cette syllabe-germe explose en lumière et se transforme en divinité que l’on doit considérer comme étant en essence notre propre lama racine.

Si ce processus de transformation d’une syllabe est trop difficile à accomplir, vous pouvez simplement visualiser la divinité complète apparaissant instantanément. Si vous préférez, vous pouvez méditer votre lama racine sous sa forme humaine, mais vous devez l’imaginer vêtu des 3 robes de moine et dans la posture de Sakyamouni.

Gardez une conscience continue de la visualisation, l’esprit et le corps à la fois détendus et absorbés, Quand vous ne pouvez plus méditer votre lama racine dans tous ses détails, visualisez simplement la bulle de lumière et identifiez votre propre esprit à cette luminosité, ce qui le détendra et l’éclaircira.

Une telle méditation aide la conscience à demeurer focalisée sur un seul objet plutôt que de vagabonder sans but à l’intérieur ou à l’extérieur du corps.

Enfin, vous pouvez utiliser la respiration comme support de stabilisation. Commencez par vous tenir le corps immobile et l’esprit calme et clair. Dans cette clarté, laissez votre esprit se poser doucement sur le mouvement de la respiration, sans l’altérer d’aucune façon, l’esprit et la respiration devenant une seule et même chose. Sans laisser vagabonder votre esprit, comptez les respirations jusqu’à cent, l’attention ne déviant pas du mouvement respiratoire II est important que pendant cette pratique le corps et l’esprit soient détendus et sans contrainte et qu’en aucune manière vous ne tentiez d’interférer avec le mouvement naturel de la respiration.

Ne soyez pas troublés par le nombre des méthodes expliquées ci-dessus ; ce nombre ne doit pas être une entrave à votre choix. Les enseignements du Bouddha proposent une variété de méthodes et de moyens correspondant aux besoins de chaque pratiquant. Dans une bataille, le guerrier efficace porte plusieurs armes sur lui afin de pouvoir faire face à chacune des situations qui se présentent ; pareillement, dans le combat contre les poisons émotionnels on doit disposer d’une panoplie de possibilités pour les contrecarrer.

Par quelle méthode de méditation est-il préférable de débuter ? A vous de décider ; choisissez celle qui vous attire le plus. Lorsque vous pénétrez dans une pièce où sont disposées des chaises de grandeur et de forme différentes, vous ne restez pas debout à discuter où vous devez vous asseoir, vous vous dirigez spontanément vers la chaise qui vous semble la plus confortable.

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